Basta ! : Une période électorale s’ouvre – les régionales les 20 et 27 juin puis les présidentielles dans un an. Dans quel état jugez-vous l’état de la démocratie représentative en France ?
Samuel Hayat : La démocratie, c’est le pouvoir du peuple, or on se sent plus que jamais dépossédé de tout pouvoir d’action – du fait de la combinaison entre la crise sanitaire et l’hégémonie que cette situation donne à Emmanuel Macron et à son gouvernement. Le décalage entre le demos (terme grec à l’origine du mot démocratie, ndlr) et ses représentants nous saute à la figure. C’est encore plus vrai si l’on prend en considération le sens social du mot, « le peuple », le petit peuple. Pendant que les pauvres doivent se mettre en danger face au virus en allant travailler, on voit les riches, et peut-être certains ministres, qui se gobergent dans des luxueux dîners clandestins. C’est une image d’une grande violence. Quelque chose ne fonctionne plus dans la démocratie représentative, avec ce fossé qui s’est creusé entre les gouvernants, la classe politique dans son ensemble, et le peuple, le demos.
En quoi cela est-il plus visible aujourd’hui ?
Le caractère oligarchique du régime, c’est-à-dire l’unité fondamentale des gouvernants malgré la mise en scène de leurs divisions, se voit moins quand on a l’illusion d’une concurrence entre partis ayant des projets politiques différents. Désormais, du fait de l’affaiblissement de toutes les forces d’opposition et de la situation sanitaire, il règne en surface une sorte d’unanimité, qui rend visible le fait oligarchique. C’est d’autant plus frappant qu’avec cette crise, le pouvoir n’a jamais été autant en représentation. La parole gouvernementale est omniprésente dans les médias. Nous avons passé une année suspendus à la parole du Prince, qui joue l’épidémiologiste en chef. S’ajoute à cela l’intensité du mépris que le pouvoir a pour la société, quand elle résiste à ses projets – je pense même qu’il y a une mise en scène de ce mépris. Cette méthode de gestion extrêmement brutale peut susciter de l’abattement et de la sidération. C’est par exemple ce qui domine aujourd’hui dans l’enseignement supérieur et la recherche, depuis le mouvement assez fort des universitaires contre les réformes imposées l’année dernière. Ce sont des métiers qui, par leur caractère plutôt bourgeois, avaient l’habitude d’être pris en considération par le pouvoir. Cette fois, le pouvoir n’en a eu…
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Auteur: Ivan du Roy