« La gauche irresponsable » : ce que les médias font au débat parlementaire

C’est un remake de 2020. Lors de l’examen du précédent projet de réforme des retraites à l’Assemblée nationale, les chefferies éditoriales amplifiaient le « tonnerre » de l’hémicycle en imputant « l’obstruction » des débats à la seule gauche parlementaire. Déjà, l’information se résumait, pour l’essentiel, à placarder le nombre d’amendements déposés par les députés LFI. À monter bout à bout leurs « pires coups de gueule ». À les sommer de ne pas « entraver » le cours de la « bonne » démocratie.

Quatre ans plus tard, les médias dominants agissent toujours sur le débat démocratique tels une loupe déformante. Bien sûr, du « chahut » a lieu. Bien sûr, des invectives sont échangées. Bien sûr, les débats sont mouvementés. Mais le compte rendu médiatique du processus parlementaire a ceci de profondément dé(sin)formant qu’il sélectionne, hiérarchise et amplifie certains faits au service d’un cadrage éditorial établi, manifeste dans la plupart des médias : faire le procès d’une gauche politique « irresponsable ».

Comme de coutume, ce type de traitement répond en tous points aux exigences commerciales des médias en quête de buzz… et de fracas, tout en prétendant le déplorer.

D’une part, spectaculariser les gesticulations de députés, les « punchlines » et les noms d’oiseaux qu’ils profèrent est (et restera) toujours plus « télégénique » que la diffusion ou le compte rendu d’échanges d’arguments, qui ont bel et bien eu lieu dans l’hémicycle, mais sont passés sous les radars. Nous en avons précédemment donné deux exemples : un premier tiré de l’émission « C à vous », lorsque des prises de parole de la Nupes en commission furent coupées pour n’en garder que les termes jugés « violents », lesquels furent ensuite montés les uns à la suite des autres ; et le second, issu de l’émission « C ce soir » consacrée au procès d’un tweet de Thomas Portes, présenté comme « l’incarnation » de la « violence symbolique » du moment…

D’autre part, le commentaire permanent – mode de traitement de l’actualité sur lequel repose la quasi-totalité des émissions politiques et qui se substitue au débat argumenté – y trouvera une matière inépuisable (et largement son compte) : « Bienvenue en Absurdistan » (Alba Ventura, RTL, 14/02) ; « jusqu’au-boutisme » (Le Monde, 18 et 20/02) ; « sempiternels démons de l’obstruction et des batailles de procédure » (Le Figaro, 17/02),…

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Auteur: Maxime Friot, Pauline Perrenot Acrimed