La gestion du kilo de chair humaine en psychiatrie

Un récit comme une fable pour témoigner d’une expérience professionnelle en tant que travailleur social en psychiatrie publique de secteur. La réalité d’une équipe mobile (extra-hospitalier) accompagnant des personnes sortant de l’hôpital psychiatrique (intra-hospitalier).

Elle sort de l’hôpital psychiatrique, pour revenir au monde ordinaire. Avec une collègue infirmière nous l’accompagnons dans sa chambre d’hôtel. « Ah ben quel accueil, je ne vais pas être toute seule ». Elle dit cela en voyant les cafards. Plus tard, la cheffe me dira « On n’a pas le choix ».

Ce qui se passe, en fait, tout le monde le sait, ou devrait un peu le savoir. De façon générale, les personnes échouant en hôpital psychiatrique sont parmi les plus défavorisées. Je ne sais pas où vont les personnes issues de classes sociales dominantes. Donc, les exclus, les marginaux, arrivent, et se posent, sont écoutés, soignés, respectés dans leur singularité, bénéficient de lits à baldaquins. Les voir parader dans les magnifiques couloirs, affirmant leur différence, dans une joie au-delà de la souffrance qu’on leur supposait, est jubilatoire. Nous faisons de la maïeutique ensemble, c’est absolument délicieux.

Non. S’ils ont la chance d’arriver, il leur faut un lit, du personnel. Le personnel est constitué principalement d’albatros, écartant leurs bras sur les tables de pause, brisés par la souffrance, vidés d’énergie, d’utopie. Les lits sont des verrues pour les financiers, ils sont peu nombreux et rachitiques. On imagine mal s’y reposer se reconstituer. Tout séjour prolongé est une mise à mal de la pompe à phynances. Par conséquent, les individus, couchés sous des lignes comptables et sur des matelas d’infortune, sortent, une fois leurs gosiers remplis de verroterie pharmaceutique. Ils et elles sortent, messieurs dames, stabilisés, oui, mais en plein délire. Ce n’est pas une injure, c’est un constat.

Il…

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Auteur: dev