La haine en personne

Les toutes jeunes Éditions Sans Soleil viennent de faire paraitre le premier volume de l’un des textes les plus déroutants et les plus fascinants de la littérature africaine-américaine du XXe siècle. Bien qu’épuisé outre-Atlantique, comme la majeure partie de l’œuvre de George Schuyler (1895-1977), ce texte étrange est désormais accessible au lecteur francophone. L’Internationale Noire déploie une fresque passionnante et hors du commun mais dont l’intention et les motifs sous-jacents seront fatalement incompréhensibles à l’écrasante majorité du lectorat d’aujourd’hui. C’est pourquoi cet article se veut non seulement une invitation à la lecture, mais aussi un complément, en présentant brièvement la personnalité et la trajectoire singulières de cet auteur et le contexte de son travail qui est l’un des plus riches de l’histoire des arts africains-américains, mais aussi l’un des moments politiques les plus explosifs du siècle passé.

George Schuyler est l’une des figures intellectuelles africaines-américaines les plus controversées du vingtième siècle. Si la pensée politique de la diaspora noire se caractérise, au moins depuis le XIXe siècle par une opposition entre tendances optimistes, tournées vers l’intégration aux sociétés majoritairement blanches, et tendances pessimistes, tournées vers l’autonomie des groupes d’ascendance africaine, Schuyler incarnait un intégrationnisme radical qui le plaçait en porte-à-faux vis-à-vis de la quasi-totalité de ses contemporains. Issu d’une famille de la bourgeoisie noire, il grandit à Syracuse, dans l’État de New-York, au sein d’une communauté où les Noirs étaient rares. Cette double inscription, géographique et de classe, explique en partie ses options politiques et intellectuelles. Grandissant loin du sud ségrégué, dans un milieu économiquement privilégié, la conscience de Schuyler s’est fondée sur des expériences qui avaient bien peu en commun avec celles de la large masse des Noirs aux États-Unis.

Au terme de ses études secondaires, faute de mieux, il s’engage dans l’armée. Le jeune Schuyler passera ainsi l’essentiel des années 1910 caserné à Hawaii, mais sert brièvement en France lors de la première guerre mondiale en qualité de premier lieutenant. Une fois démobilisé, il retourne sur la cote-est. Au début des années 1920 il adhère au parti socialiste américain dont il deviendra même un cadre local à Syracuse. Un an plus tard, il déménage à New York City, où il s’intéresse…

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Auteur: lundimatin