La honte (ou la stratégie du kazat'choc) — PETRONINOCHKA

Au début des années 1930, ma grand-mère, entendant un discours d’Hitler à la radio (ils habitaient dans l’est et elle comprenait l’allemand) s’écria : « Cet homme va mettre l’Europe à feu et à sang ! »

Si une ménagère de l’époque était capable de percevoir la tragédie à venir, qu’en était-il des dirigeants européens ? Ceux-là mêmes qui fermaient les yeux ou encourageaient, souvent ostensiblement, le parti nazi et le réarmement de l’Allemagne face au « danger » soviétique ?

Et puis à la période de l’effroi (quelques années plus tard, mes grands-parents pourraient se réfugier à Paris) vint celle de la honte. La honte de l’abandon de l’Autriche malgré les accords, la honte du « compromis » de Munich que Daladier, acclamé à sa descente d’avion, balaya par son « Ah les cons, s’ils savaient ! », comme si la lucidité du président du Conseil l’exonérait de sa responsabilité ! Puis vint la honte de la capitulation, la honte du gouvernement Pétain, la honte de la collaboration, la honte des lois et des rafles anti-juives effectués promptement par la police française, la honte du STO, la honte de la milice, la honte des dénonciations, la honte, la honte…

Malheureusement, ce sentiment de honte ressenti par une partie du peuple français pour les méfaits de ses dirigeants ne date pas d’hier. L’esclavage (14 millions d’esclaves déportés au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, dont 5 millions n’ont pas survécu à la traversée (1)), rétabli par Napoléon en 1802 (2) alors qu’il avait été aboli par la Révolution, l’affaire Dreyfus, la capitulation de la France lors de la guerre de 70, la répression de la Commune de Paris, les politiques colonialistes, tant de trahisons, de forfaitures effectuées au nom de la nation. En faire la liste serait ici trop long.

L’histoire de France et de l’Europe regorge de faits honteux pour un Occident qui se dit porteur de valeurs « démocratiques » et « universalistes ». On l’a compris depuis longtemps, pour ces parangons de probité et de sagesse, la liberté et la démocratie sont à géométrie variable selon que l’on est du nord, du sud, pauvre, riche, blanc ou « de couleur », slave ou aryen, chinetoque, métèque ou occidental de souche etc… (voir les ukrainiens qui sont « comme nous », blonds aux yeux bleus, d’ailleurs ils ne se considèrent pas slaves, mais « nordiques »…)

Jamais je n’aurais pensé ressentir, comme mes aïeux, une telle honte devant ma nationalité française et mon appartenance à l’Europe. La France et l’Europe qui…

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Auteur: PETRONINOCHKA Le grand soir