« La littérature est un instrument politique qui a vocation à participer à la dissolution d’une société donnée » : entretien croisé Joseph Andras / Kaoutar Harchi ÉPISODE 2

Dans cette deuxième partie de leur échange, Kaoutar Harchi et Joseph Andras évoquent leur fonction d’écrivain et leur rapport à l’écriture. Elle et lui échangent notamment ensemble sur les limites de leur travail, qui a pour objectif d’ébranler les lignes sociales, mais qui est soumis aux conditions politiques de l’écriture et à la relation inégalitaire qui peut lier l’éditeur et l’écrivain. 

Kaoutar Harchi : Tu évoquais, en commençant, la critique littéraire. Toi, tu n’interviens que par tes textes. Tu te tiens en retrait de la vie médiatique et littéraire. N’as-tu pas envie, parfois, d’incarner davantage ce que tu écris ?

Joseph Andras : C’est un pari que je fais. Dans une époque d’images, de vitesse, de flux, de swipe, de guerres de tweets et de petits scandales continus, dans une époque où Le Monde peut publier en une un papier de merde pour parler de tout sauf de littérature à mon sujet, je suggère que nous revenions au texte, au temps silencieux et songeur du texte. Je parie que ce respect du texte est encore possible. Ça peut paraître fou, mais un écrivain, ça écrit. Ce que j’ai à dire je le dis dans mes livres – « le reste c’est zéro », aurait ajouté Giono. Si j’aime la course à pieds ou si je préfère le chocolat à la vanille, ça n’a aucune espèce d’intérêt. Quand on demandait à Calaferte pourquoi il se tenait en retrait des grands médias, il disait : « Merde, ils ont qu’à lire ! » Dont acte. J’entends très bien, ceci posé, qu’on participe à des échanges télévisés – comme tu le fais parfois, je pense à ton débat avec Blanquer sur la laïcité – ou qu’on propose des conférences. Je suis ravi de voir certains auteurs ou militants défendre nos idées à heure de grande écoute. Ils le font pour moi, c’est parfait. Calaferte, encore : « Je ne fais pas un rapprochement obligatoire entre le fait d’écrire et le fait de venir parler de ce qu’on a écrit. » Peut-être que je changerai d’avis un jour et que j’accepterai une émission de télévision. Mais, pour l’heure, j’aime mieux être à ma table de travail.

Kaoutar Harchi : Je me souviens que tu m’avais dit que tu comparais ta fonction d’écrivain au poste d’archer. Dirais-tu encore ça ?

Joseph Andras : Oui. J’ai – provisoirement – résolu la question de ma place avec cette simple image. Quand on écrit, je veux dire quand on écrit des textes qui ont vocation à interroger le champ collectif, à entrer en relation directe avec son époque, pour ne pas dire en…

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Auteur: Rédaction Frustration Mag