Quand mon quotidien me laisse dans une impression de désœuvrement, que j’erre dans les rues pour tromper ma fatigue ou ma mauvaise humeur et n’ai pas les ressources pour retrouver du sens et de l’allant, je pars les retrouver loin du centre, au café-librairie La Lune au fond de l’eau. Dans une petite rue ombreuse, d’apparence assez misérable, ce lieu cachait bien ses trésors dans ses premiers mois d’existence, mais sa jolie devanture en bois et une enseigne ont depuis été exécutées par deux amies du collectif qui l’a créé.
C’est un établissement qui a beaucoup évolué depuis ses débuts, de manière empirique, mais son principe essentiel est resté inchangé. Il s’agit de se plonger dans un siège moelleux et dans un livre, pour quelques minutes, ou plusieurs heures.
Ma principale angoisse est de ne pas trouver un coin où m’asseoir lorsque j’y pénètre. Il n’y a guère que quatre vieux canapés (les plus prisés car ils sont les sièges dans lesquels on s’enfonce le plus profondément), et quelques fauteuils et vieilles chaises disséminés çà et là.
Le lieu pourtant n’est pas minuscule, mais seul l’espace central est dévolu à la détente. Autour, contre deux murs, l’espace librairie finit immanquablement par m’arracher à mon fauteuil convoité et aussitôt investi par une prédatrice en quête d’une place assise ; je me plonge alors dans la contemplation des nouveaux livres présentés aux lectrices, les feuillette, me rassois sur un bord de marche.
La Lune au fond de l’eau, ce ne sont jamais que cent livres : chacun est présenté sur l’ouvroir vertical de l’un des cent casiers répartis sur les deux murs latéraux du local – à l’intérieur de ces boîtes, quelques exemplaires neufs sont proposés à l’achat. Il m’arrive de revenir plusieurs jours de suite pour lire intégralement un livre présenté. J’aime tordre un peu ces ouvrages passés entre de nombreuses mains, parfois…
Auteur: dev