Ce n’est pas pour rien que le sous-titre du film est « Chronique de quelques faits ayant contribué à la chute de la monarchie ». Ainsi, à l’exception de Louis XVI et de Marie-Antoinette, nous ne trouvons pas les grands noms de cette époque, quand bien même ceux-ci peuvent être cités comme Robespierre, Danton ou Marat, une scène étant réservée à la lecture de l’Ami du peuple. C’était un effet voulu du réalisateur qui trouvait qu’il y avait déjà beaucoup de films sur les grands hommes et qu’il était intéressant de faire l’histoire à partir de simples soldats. Des personnages rendus très humains car dans tout le film nous les voyons vivre, à travers la scène du bivouac ou en rendez-vous amoureux devant un spectacle d’ombre [1]. Cela permet aussi de donner un visage humain à ces révolutionnaires, loin de l’image du bolchévique avec le couteau entre les dents. Selon les propres mots du réalisateur :
« Ce public pourra constater que ces révolutionnaires sont de braves gens, fort bien tenus, disciplinés, sympathiques, de commerce agréable.
« On a envie de les fréquenter. On aimerait être de leurs amis. » [2]
Toutefois malgré cette simplicité voulue, les personnages sont aussi des archétypes. Par exemple Arnaud, le chef des Marseillais, représente le commissaire politique révolutionnaire dans sa forme idéale, concentré et réfléchi, toujours à vouloir d’abord convaincre son ennemi de se joindre à lui, sans se laisser ni corrompre ni s’emporter précipitamment en agissant en aventuriste. Baumier, son comparse, peut représenter le peuple en révolution, apprenant au fil de ses aventures, faisant taire certaines de ses hésitations, pour le rendre plus sûr de ses engagements. Javel, un autre de ses comparses, représente bien souvent le gauchiste, toujours a dénoncé la réaction quand il voit un représentant de l’Eglise, même si celui-ci apporte la paix au bataillon et sans faire attention aux conditions de vie concrètes des membres de l’Eglise.
Toujours dans cette optique de montrer le peuple, nous avons le droit à plusieurs scènes de foules (meeting à Marseille, prise du fort, entrée aux Tuileries, etc) où la caméra nous permet de faire ressortir de l’individualité dans chacune des séquences de groupe. Fort de 3000 figurants, tous membre de la CGT, il est probable que Renoir, en amoureux des acteurs qu’il était, eut donné des indications aux figurants, ce qui permet à chacun non pas de répéter la même chose mais dans chaque scène se comporter comme s’il…
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Auteur: Jacques FRANJU Le grand soir