La Marseillaise (3) : la production du film — Jacques FRANJU

  • Jean Renoir (1894-1979) a un parcours plutôt atypique. Réalisateur français renommé de plusieurs films comme La règle du jeu, La chienne, La Grande illusion ou French Cancan, il est déjà à l’époque l’un des réalisateurs de l’Hexagone les plus acclamés par la critique. Atypique, car si à l’époque du film il fut un compagnon de route du PCF, il eut longtemps une tendance anarchisante, mais en 1940 il proposa ses services au nouveau pouvoir vichyste (qui fut refusé), avant de quitter la France pour les Etats-Unis, pays pour lequel il garda une amitié profonde et la double nationalité. Il est clair, sans plus de développement, que ce qui caractérise Renoir n’est pas une cohérence politique sur le long terme et ce que nous pouvons aisément lui reprocher. Toutefois au moment de La Marseillaise, Renoir se laissait enivrer par l’élan donné par le Front populaire. Sans aucun doute, c’est sa relation amoureuse avec sa monteuse Marguerite Houllé, communiste, qui l’influença dans le choix de ses thèmes et de son compagnonnage de la période. Un compagnonnage avec le PCF l’amenant à tenir une chronique de cinéma dans le journal Ce soir tenu par les communistes et dont le contrôle politique allait à l’écrivain Louis Aragon. D’autre part il jouissait de l’appui de Jacques Duclos qui l’avait adoubé comme superviseur du film La vie est à nous. A noter que le Parti avait tout de même été déçu par les autres films de Renoir comme Le crime de monsieur Lange et Les bas-fonds dont les visions étaient assez peu conformes à la ligne prolétarienne du Parti. Avec La Marseillaise, Renoir souhaitait donner des gages au PCF [1].

Une entité qui va être importante dans la conception du film c’est la coopérative Ciné-Liberté, dont Jean Renoir était le président, qui entendait diffuser la culture cinématographique dans les milieux populaires, lutter contre la censure et lancer des créations cinématographiques [2]. Cette coopérative possède, comme souvent dans les organisations gravitant autour du PCF, une structure ouverte à toute personne engagée à gauche et un petit noyau dur d’adhérent qui contrôle le secrétariat. Fort de 12 000 adhérents à l’automne 1936, Ciné-Liberté mobilise aussi les artistes et les cinéphiles sur des vastes projets du secteur. C’est dans le cadre de cette association que vont se développer les principaux films de Renoir de cette époque, la coopérative permettant de réfléchir à plusieurs sur la conception d’une œuvre et de mutualiser les moyens de…

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Auteur: Jacques FRANJU Le grand soir