Le mot raconte la chose. Qui-pro-quo : on prend une chose pour (pro en latin) une autre. Les syllabes qui et quo sont la contraction (pour la première) et la déclinaison (pour la seconde) du même mot latin quid qui signifie « quelque chose ». Le mot quiproquo, au moins, ne prête pas à confusion ! Il n’en reste pas moins profond.
Pierre Aubenque, grand commentateur d’Aristote, professeur au Collège de France, s’amusait à lire dans ces trois syllabes toute l’affaire de la métaphysique. Quelle affaire ? Penser le principe, dont tout provient mais qui n’est rien de ce qu’il engendre. Le métaphysicien pense « Dieu », cause et origine de tout ce qui est, en prenant bien garde de ne pas le mêler à la suite des êtres qui dérivent de lui. Car si toutes les choses viennent de lui et manifestent une part de sa perfection, Dieu ne peut toutefois être confondu avec aucune. Sinon, c’est idolâtrie.
Autrement dit, il faut veiller à ne pas prendre un être particulier (tel quid) pour le quo – ce dernier mot, interprété comme un adverbe, signifiant en latin « ce par quoi ». On cède au quiproquo quand on prête au principe premier (« ce par quoi » tout existe) les qualités et les sentiments de l’une de ses créatures. Si bien que la seule chose que nous pouvons adéquatement dire de Dieu, c’est qu’on ne peut rien dire adéquatement de Lui.
Le mystère de l’être
Ce sens de quiproquo, je vous l’accorde, est assez spécial… J’en ai pourtant eu récemment une jolie illustration. Un ami marocain passait ses étés d’enfance en France, chez sa tante. Il maîtrisait mal le français… et sa gourmandise. Il faut dire que les biscuits de la tante étaient délicieux. Un soir, alors qu’il imagine celle-ci endormie, il se lève pour aller en chiper quelques-uns. « Que fais-tu dans la cuisine ? » lui demande sa tante, croisée par malchance. « Hé bien, répond-il étonné, je viens voler des biscuits ! »…
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Auteur: Martin Steffens, philosophe (1)