La mort du journalisme d'investigation (CounterPunch) — Andre VLTCHEK

Il y a quinze ans, en 1997, mes amis haïtiens m’ont aidé à organiser une visite à la Cité Soleil, alors le bidonville (ou « commune ») le plus large et le plus brutal de l’hémisphère occidental, dans les environs de Port-au-Prince. L’arrangement était simple : mon appareil photo F- 4 et moi-même serions chargés à l’arrière d’une camionnette. Le chauffeur et deux gardes du corps m’avaient promis de m’emmener là-bas pour une séance de prise de vue de deux heures. La condition était simple : j’étais supposé rester sur la plateforme arrière du pick-up.

Une fois arrivé, j’ai rompu l’accord : je n’ai simplement pas pu résister à la tentation. J’ai sauté de la camionnette et j’ai commencé à marcher ; en photographiant tout ce qui était à la portée de mon objectif.

Les deux gardes du corps ont refusé de me suivre et quand je suis revenu au carrefour, la camionnette était partie. On m’a dit plus tard que mon chauffeur était simplement trop effrayé pour rester dans les parages. La réputation de Cité Soleil était, et est probablement toujours, qu’on peut facilement y entrer mais jamais en sortir.

Abandonné, jeune et modérément fou, j’ai continué à travaillé pendant plus de deux heures. Je n’ai rencontré aucun obstacle : les locaux apparaissaient stupéfaits de me voir me promener avec un appareil photo professionnel. Certains souriaient poliment ; d’autres me faisaient des signes et même me remerciaient.

A un moment, j’ai remarqué deux véhicules militaires et des soldats américains, hommes et femmes, avec des armes, face à une foule désespérée. Les gens faisaient la queue pour entrer dans un complexe entouré de hauts murs et les soldats américains passaient au crible ceux qui étaient autorisés à entrer.

Personne ne s’est occupé de me contrôler – je suis tout simplement entré, sans aucun problème. Un des soldats américains m’a même fait un énorme sourire. Ce que j’ai trouvé à l’intérieur, par contre, était loin d’être hilarant : une femme haïtienne d’âge moyen était étendue sur le ventre sur une sorte de table d’opération provisoire, le dos grand ouvert, pendant que plusieurs médecins et infirmiers militaires américains piquaient dans son corps avec des scalpels et quelque chose qui avait l’air de ressembler à une pince.

« Qu’est-ce qu’ils sont en train de faire ? » j’ai demandé à son mari qui était assis non loin, le visage couvert par la paume de ses mains. Il était en train de pleurer.« Ils lui enlèvent une…

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Auteur: Andre VLTCHEK Le grand soir