La Palestine, invitée surprise de la Coupe du Monde 2022

Le temps d’un Mondial, la Palestine s’est rappelée au monde. Des travées aux pelouses, les drapeaux et symboles palestiniens ont fleuri au cours de la première Coupe du Monde de football organisée dans un pays arabe.

Il est vrai que le soutien à la Palestine est une ligne politique assumée par le Qatar et que cette cause fait largement consensus au sein des sociétés arabes et, spécialement, dans les stades de nombreux pays de la région, même hors période de Coupe du Monde…

Un soir de 2019, dans la « curva » sud du stade Mohammed V, à Casablanca, le groupe d’ultras du Raja de Casablanca déploie un tifo. Sur la toile, le dessin d’un enfant de dos, Handala.

Handala, une figure majeure de la culture palestinienne depuis 50 ans.

Ce petit personnage devenu, en 50 ans d’existence, une figure majeure de la culture palestinienne, est l’œuvre du dessinateur palestinien Naji Al-Ali (1937-1987). Après avoir fui, en 1948, la Palestine pour le camp d’Aïn Al-Helwe, en périphérie de Saïda, ville côtière au sud du Liban, il acquiert ses galons de caricaturiste dans la presse du Koweït, où il s’installe en 1963.

C’est dans les pages d’un journal publié dans cet émirat qu’Handala voit le jour, en 1969. L’enfant représente le caricaturiste palestinien fuyant sa terre natale à l’âge de dix ans. Il se retrouve alors sans territoire, sans appui. Handala deviendra, au cours des décennies suivantes, l’un des emblèmes de la cause palestinienne, qui unit au-delà des frontières, du Machrek au Maghreb.

L’enfant apatride surgit en ce jour de 2019 des tribunes bouillonnantes de Casablanca, encadré par une phrase qui prolonge le tifo, « Hatta al-nasr » – « jusqu’à la victoire ». Les ultras d’Afrique du Nord sont coutumiers du fait et notamment ceux des verts et blancs du Raja. Ce même soir de 2019, les ultras du Raja entonnent la chanson « rajaoui falestiniy » – « rajaoui palestinien ».

Thermomètre social

Du Maroc à l’Irak, ces groupes de supporters font office de thermomètre social. Du tifo aux chants, pour ces groupes, la cause palestinienne apparaît comme un prolongement de l’esprit contestataire qui structure la tribune et souvent, s’oppose aux régimes en place.

La tendance au rapprochement entre Rabat et Tel-Aviv n’est pas pour rien dans cette manifestation de soutien à la Palestine. À l’instar du film égyptien Une ambassade dans l’immeuble, où le personnage joué par l’acteur star Adel Imam est horrifié, à son retour des Émirats arabes unis, de constater que l’ambassade d’Israël est désormais voisine de son appartement, le stade est le reflet du décalage qui subsiste entre les salons du pouvoir et l’état d’esprit qui règne au sein des sociétés arabes.

Autre exemple : en Égypte, les matchs de la sélection de football sont régulièrement marqués par des chants en soutien à la Palestine, réfutant les accords de Camp David signés, en 1978, par Le Caire et Tel-Aviv.

Des joueurs arabes sur le même credo

De la jeunesse des tribunes à celle de la pelouse, l’état d’esprit reste le même. Ainsi de la star marocaine Achraf Hakimi. En mai 2021, le défenseur des Lions de l’Atlas signale sur Twitter son soutien à la Palestine, ce qui lui vaudra d’être sifflé quand il jouera avec le PSG à Tel-Aviv dans le cadre du trophée des Champions, en août 2021 puis en juillet 2022. Ce cas est loin d’être isolé : la cause palestinienne demeure prégnante dans les rangs des équipes de la région et chez de nombreux joueurs.

Tweet posté par Achraf Hakimi le 10 mai 2021.

Il n’est pas rare que des célébrations de but mettent en scène la violence subie par la population palestinienne. Au Caire, Mustafa Mohammed célèbre son but avec la sélection « Espoirs » en plaçant sa main sur son œil, ce 19 novembre 2019. Le jeune buteur égyptien rend ainsi hommage au photographe palestinien Moaz Amaraneh, éborgné par un tir de l’armée israélienne.

Originaires de la région ou de la diaspora, les joueurs apparaissent eux-mêmes comme un prolongement de cette cause qui unit au-delà des frontières. Malgré la posture stratégique de plusieurs chancelleries du monde arabe, qui se rapprochent…

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Auteur: Raphaël Le Magoariec, Chercheur doctorant en géopolitique, spécialiste des sociétés de la péninsule Arabique et du sport, CITERES-EMAM, Université de Tours