J’ai alors pensé à MaÏakovski pour qui le cinéma était « presque un moyen de comprendre le monde. Le cinéma pourvoyeur de mouvement. Le cinéma semeur d’idées. Mais le cinéma est malade : le capitalisme a recouvert ses yeux d’or ». Je ne dirais pas que le festival de Cannes perpétue ce détournement, je me contenterais de dire que le cinéma est une globalité qui n’appartient à personne, surtout pas à ceux qui s’en servent abusivement. Ici, c’est une autre histoire, c’est un autre geste artistique où le film se déploie sur le long, le large et la profondeur d’une séquence de vie au croisement de la mort du cochon et des gestes de personnes tout à leur désir d’embraser le paysage de nuit avec de singulières clartés qu’il faudra savoir saisir avant qu’elles ne s’effacent. C’est un enchaînement de jeux de feux qui rend un hommage appuyé aux femmes et aux hommes qui ont su fixer et garder le feu plaisant et nourricier.
A l’écran, sur fond d’une nuit étoilée qui brille de mille et un éclats, promesses d’une autre vie, le générique s’écoule lentement au rythme d’une barque qui glisse au fil d’une eau que n’agite nul courant, le tout englué dans une épaisseur sonore où toute vie semble retenir son souffle. Coassements tout proches, aboiements lointains, frôlement d’ailes, des chuchotements qui nous parlent de mèches, concourent à me faire entrevoir la gestuelle cachée d’une conspiration. Sous l’effet d’une basse lumière, des mains s’agitent pour fixer sur des ramilles, des branchages et des troncs d’arbres ce qui n’est pas un filet mais quelque chose d’approchant. Progressivement, l’entrelacs des lueurs de berge, des clapotis, des voix en sourdine construisent le paysage fragile d’un de mes souvenirs de pêche à l’anguille dans la lumière cendrée d’une nuit qui s’efface, juste au moment de la relevée des nasses où serpentent de gros vers luisants. C’est…
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