La passionnante histoire du Parti Communiste Chinois. 2ème partie — Bruno GUIGUE

Mao Zedong et la sinisation du marxisme

Repliés dans les campagnes pour fuir la répression, les communistes chinois vont écrire une nouvelle page de leur histoire. C’est auprès des paysans du Hunan et du Jiangxi, en effet, que Mao découvre une nouvelle radicalité, déployée loin des regards d’une élite moderniste qui l’ignore. Coïncidence frappante, il publie son Rapport sur l’enquête menée dans le Hunan à propos du mouvement paysan en mars 1927, soit un mois avant la tragédie de Shanghai, où les communistes sont massacrés par l’armée de Chiang Kaï-shek. Celui qui est déjà un militant influent, mais écarté de la direction du parti, l’invite à convertir son regard sur ce monde rural dont l’initiative révolutionnaire contraste avec son arriération présumée. Conversion qui prendra beaucoup de temps, et Mao sait qu’il heurte de front la conception même de la révolution chez les marxistes chinois. Sa thèse centrale, c’est que « le soulèvement paysan constitue un événement colossal » et que les révolutionnaires ont le choix entre trois possibilités : « Dans peu de temps, on verra dans les provinces du centre, du nord et du sud de la Chine des centaines de millions de paysans se dresser, impétueux, invincibles, tel l’ouragan, et aucune force ne pourra les retenir. Ils briseront toutes leurs chaînes et s’élanceront sur la voie de la libération. Ils creuseront le tombeau de tous les impérialistes, seigneurs de la guerre, fonctionnaires corrompus, despotes locaux et mauvais hobereaux. Ils mettront à l’épreuve tous les partis révolutionnaires, qui auront à prendre parti. Nous mettre à la tête des paysans et les diriger ? Rester derrière eux en nous contentant de les critiquer avec des gestes autoritaires ? Ou nous dresser devant eux pour les combattre ? »

Au-delà de l’invocation lyrique, le mouvement paysan, pour Mao, présente deux avantages considérables : il recèle un potentiel gigantesque dans un pays qui demeure essentiellement rural ; et il est suffisamment radical pour servir de base au processus révolutionnaire. Ces données objectives fixent la tâche des communistes, qui doivent organiser le mouvement paysan afin de l’enrôler au service de la révolution sous la conduite du prolétariat. « Qu’est-ce que le marxisme ? » résume-t-il en 1940 : « Ce sont les paysans faisant la révolution sous la direction du prolétariat. Quatre Chinois sur cinq sont des paysans. Il nous faut la force des cinq doigts, et s’il ne nous reste que le petit doigt le…

La suite est à lire sur: www.legrandsoir.info
Auteur: Bruno GUIGUE Le grand soir