Il n’y a de réalité que celle que l’on décide de voir. Il y a, sinon, le conte. Celui-ci prolonge par une actualité déconcertante le texte paru en juin 2022 « Willy se meurt ». Il se lit dans le mouvement ondoyant d’un foulard bleu écume, à la façon de la Petite Sirène.
Elle avait 12 ans, et un joli foulard bleu écume. Ce qui la fascinait, c’était les baleines, les baleines à bosse surtout. Elle pressentait leur histoire depuis ces milliards d’années, cette mémoire du vivant, sauvage, impénétrable. Lorsqu’elle nageait en mer, c’est cette vibration de l’ancestralité qui remontait tout le long de sa colonne vertébrale et lui insufflait une onde intense de joie. Elle se savait partager leur souffle ; mammifères, leur proximité était aussi là, dans cette charnière de l’air respiré.
Elle ne les rencontrait qu’une partie de l’année lors de leur migration ; elle attendait patiemment leur arrivée sur la côte ouest de l’atlantique. Leurs premiers souffles apparaissaient enfin scintillant sur l’horizon. Alors tout le village, et les rochers, et les arbres, tout ici résonnait de leur présence, même les pas des villageois et leurs voix étaient teintés d’un délicieux mystère. La petite entendait ces subtiles nuances. Le soir, elle regagnait la plage, et simplement s’immergeait, juste plaçait ses oreilles quelques centimètres sous l’eau, elle attendait… le chant de la baleine. Elle avait des frissons et riait à en avaler l’eau de mer.
Quelques mois auparavant, une annonce nationale l’avait apaisée : la fin de la captivité et de l’exhibition des cétacés dans les marineland ; c’était le résultat de la lutte menée depuis des décennies par ses aînés, une petite victoire sur la bêtise et l’offense faite à la vie. Mais la nouvelle ce matin lui brisa le cœur et affecta son âme, irrémédiablement : les orques n’allaient pas être déplacées comme promis vers un…
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Auteur: dev