La police de mœurs. Malaise dans la morale sexuelle.

Après Ordo sexualis en 2019, Alain Brossat et Alain Naze viennent de faire paraître La police de mœurs. Malaise dans la morale sexuelle. L’ouvrage, courageux, parfois ironique, quelquefois provocateur, appelle, par-delà la circulation de discours univoques et toujours plus normatifs, à repolitiser à la fois la question de la sexualité, et la lutte contre les violences sexuelles, constatant que celle-ci est souvent cantonnée à la dénonciation médiatique et l’exclusion des mauvais sujets.

La montée du ressentiment est liée à la dépolitisation des questions et enjeux relatifs à la sexualité et à leur entrée dans la sphère du spectacle et du communicationnel – la sphère médiatique, leur transformation d’enjeu et de lutte en fétiche et marchandise communicationnelle.

De cette dépolitisation de la sexualité et des violences sexuelles, découle, selon les auteurs, un double mouvement de concentration sur la répression des actes et des désirs coupables, et de développement d’un paradigme contractualiste :

Il ne s’agit pas de dire qu’il est inutile de dénoncer le harcèlement sexuel, de trouver des circonstances atténuantes aux violeurs, de trouver du charme au tourisme sexuel et pas davantage aux abus sexuels infligés aux enfants (…) il s’agit plutôt de relever que le pli toujours plus impérieux et dominant de ce discours sur les violences trouve son inéluctable débouché sous le traitement discursif (et idéologique/politique) de ces questions sous l’angle de la répression (…) En cela, l’illusion du paradigme contractualiste en matière de relations sexuelles est essentielle : l’illusion dont témoigne cette policiarisation du sexe, est bien celle selon laquelle les relations sexuelles devraient être libérées de tout enjeu de pouvoir, devenir homogènes aux rapports démocratiques entre personnes juridiques. Le pli discursif aujourd’hui dominant débouche sur un culte, presque une religion de la victime, avec son inévitable contrepartie, la chasse aux coupables.

A rebours d’une focalisation unique sur les responsabilités individuelles, et loin des affects tristes d’une lutte consistant à chasser les coupables, à sanctifier les victimes, et à considérer la sexualité comme un territoire porteur de danger qu’il s’agirait de domestiquer, l’ouvrage de Brossat et Naze aide à penser les abus et les relations de pouvoir en tant que tels, sans concentration exclusive sur la dimension sexuelle de l’abus. En effet, quand un Weinstein ou un DSK est dénoncé, c’est…

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Auteur: lundimatin