La population ukrainienne affronte une guerre totale

Les deux derniers « Carnets » analysaient les dangers de dérapages nucléaires de cette guerre en conséquence du fait que la Russie est un pays qui détient des armes de ce type et qu’il y a quinze réacteurs sur le sol ukrainien d’une part, et du fait que le statut des armes nucléaires non stratégiques a évolué dans les doctrines militaires états-unienne et russe, d’autre part. Depuis le début octobre, le second de ces dangers semble s’être un peu éloigné car, exactement comme au temps de la guerre froide, « les contacts et rencontres de hauts niveaux empruntant de multiples canaux » ont été réactivés entre États-unis et Russie pour le circonscrire. En outre, les états-uniens auraient indiqué à leurs homologues russes à quelles représailles ils s’exposeraient par cet usage. Mais ce qui n’a pas changé, c’est que, contrairement à l’ère soviétique, nul Politburo n’encadre les décisions de Poutine.

Il reste que nous nous heurtons à de nombreuses difficultés pour analyser les évènements historiques de première grandeur. Il nous a donc semblé utile de rappeler quelques faits documentés en commençant par dire ceci : en Ukraine, la situation de la population est tragique et ce serait une grave erreur de croire que la guerre qu’elle affronte seule dans sa chair, ne nous concerne pas ou ne nous concernera pas d’une manière plus immédiate.

Une guerre à visée géostratégique débutée en 2014

L’invasion de l’Ukraine puis l’annexion de la Crimée par l’armée de Poutine avaient déjà fait entre quatorze et dix-huit mille morts à la fin 2021. Mais, durant les huit années passées, peu s’en sont souciés : c’était loin dans les profondeurs d’une Europe de l’Est tout juste sortie des griffes du stalinisme – autant dire mal dégrossie, comme ces allemands de l’Est qui sont encore taxés « d’Ossis » – et qui venait d’acquérir son indépendance depuis moins d’une génération.

Il faut dire qu’en 2012 la mise en service du gazoduc Nord-Stream 1 avait commencé à marginaliser l’Ukraine qui fut longtemps le principal pays de transit du gaz (et du pétrole) russe.


Philippe Rekacewicz, « L’Ukraine, corridor énergétique de l’Europe », Le Monde Diplomatique, Janvier 2005.

Cette position passée lui avait d’ailleurs permis, en 2006 et 2009, d’exiger de meilleures royalties, au grand dam de Gazprom qui en avait stoppé ses livraisons vers l’Occident. Nord-Stream 1, puis le projet Nord Stream 2 allaient faire de l’Allemagne le Hub…

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Auteur: lundimatin