« La précarisation de la main-d’œuvre favorise grandement les accidents du travail »

Fin décembre, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) a publié son rapport annuel sur les risques professionnels en 2022. Le chiffre de décès au travail (738) est le plus élevé depuis deux décennies. Si on compile avec les chiffres de l’agriculture et du secteur maritime, on atteint 903 morts en 2022, un record. Comment analysez-vous ces chiffres ?

Matthieu Lépine : Ces chiffres sont très importants. Et le pire c’est qu’ils ne sont pas complets. Tous les autoentrepreneurs, les livreurs, les chauffeurs Uber par exemple, n’y sont pas intégrés. Dans le secteur du BTP, très accidentogène, on sait qu’il y a de plus en plus d’indépendants aussi. Ils ne sont pas non plus pris en compte. Pareil pour tous les travailleurs de la fonction publique pour qui il est très dur d’obtenir des données fiables. Ainsi, on peut raisonnablement penser qu’on atteint le millier de morts au travail en 2022.

Personnellement, j’attendais ces chiffres sur l’année 2022 car ce sont les premiers sur une année pleine après la période de la crise sanitaire. Et on voit que les choses ne se sont pas arrangées par rapport à 2019. Pire, elles se sont encore dégradées.

En 2022, 903 personnes sont mortes au travail

Comment expliquer cette dégradation ?

Certains les expliquent uniquement par un biais statistique qui serait le fait que l’on prend mieux en compte les malaises. Sans doute que ça l’explique en partie, mais j’ai discuté avec des personnes au sein de la CNAM qui m’assurent que cette hausse importante ne peut s’expliquer uniquement par ce changement méthodologique.

D’autres personnes mettent en avant le fait que le nombre de travailleurs augmente. Ainsi, ce serait logique que le nombre de morts au travail suive cette évolution. Mais ce raisonnement est particulièrement problématique. Déjà, il est fataliste : il implique l’idée qu’on ne peut rien faire pour…

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Auteur: Pierre Jequier-Zalc