La puissance sans acte

À parcourir l’œuvre singulière de Paolo Virno (1952), un peu connue des lectrices et lecteurs de lundimatin, on a l’impression qu’il a suivi deux chemins distincts, depuis ses premiers écrits des années 80, au sortir des années de préventive passées dans la cellule 11 du secteur des « politiques » de la prison de Rebibbia, sous le chef d’inculpation d’« association subversive » et « constitution de bande armée », jusqu’aux récents volumes, plus concentrés sur les questions du langage. Mais à s’y pencher de plus près, une fois qu’on l’a suivi sur l’un et l’autre chemin, il semble évident que, comme dit l’autre, « le chemin est un seul et le même ».

De l’impuissance. La vie à l’époque de sa paralysie frénétique, traduit de l’italien par Jean-Christophe Weber, qui vient de paraître aux éditions de l’éclat, rend bien compte à la fois de ces deux chemins et du moment où ils se confondent. En témoigne peut-être, sous la forme d’une étonnante confession, cette phrase du troisième chapitre : « À partir de là, que la fête commence, en même temps que la question la plus difficile, à savoir un de ces casse-tête qui exaspèrent et fascinent ceux qui, après l’échec de la première et unique tentative de révolution communiste au sein du capitalisme pleinement développé, n’ont rien trouvé de mieux à faire pour tuer le temps. » Paru en italien sur le site fatamorganaweb.it, voici la traduction d’un compte rendu de Stefano Oliva, philosophe et guitariste, actuellement chercheur à l’Université romaine Guglielmo Marconi, sur ce livre important qui décrit cet état d’impuissance par « excès de puissance » et de renoncement généralisé dans lequel nous nous trouvons, et auquel Virno suggère de répondre par un « renoncement au renoncement », qui ouvrirait la voie à un mode d’action non frénétique.

« Nous apprenons, cependant, qu’il s’en trouve parmi vous qui vivent une vie désordonnée, sans rien faire jamais et sont constamment agités. Nous ordonnons à ces gens-là, et nous les exhortons par le Seigneur Jésus-Christ, de gagner leur propre pain en travaillant paisiblement. » (II Thessaloniciens 3:11-12) L’exhortation de l’apôtre Paul aux Thessaloniciens contient une observation qui, au-delà du contexte dans lequel elle est formulée, offre un point de départ intéressant pour réfléchir à un phénomène anthropologique paradoxal en apparence : l’inactivité agitée ou, comme la définit Paolo Virno dans son…

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Auteur: lundimatin