La réalité émiettée et le ping pong du faible — PETRONILLA PETRONILLUM

Il y a quelque temps parut un article du penseur italien Giorgio Agamben, faisant référence à cinq catégories dans lequelles les actions humaines se classeraient, selon une théorie juridique arabe (1).

Le passage en question de l’article est le suivant

(…)
Selon les juristes arabes, les actions humaines se classent en cinq catégories, qu’ils énumèrent ainsi : obligatoire, louable, licite, blâmable, interdit. A l’obligatoire s’oppose l’interdit, à ce qui mérite louange ce qui doit être blâmé. Mais la catégorie la plus importante est celle qui se trouve au centre et qui constitue pour ainsi dire le fléau de la balance qui pèse les actions humaines et en mesure la responsabilité (responsabilité se dit, dans le langage juridique arabe, « poids »).

Si est louable ce dont l’accomplissement est récompensé et dont l’omission n’est pas interdite, et blâmable ce dont l’omission est récompensée et dont l’accomplissement n’est pas interdit, le licite est ce sur quoi le droit doit se taire et qui n’est donc ni obligatoire ni interdit, ni louable ni blâmable. Il correspond à l’état paradisiaque, dans lequel les actions humaines ne produisent aucune responsabilité, ne sont d’aucune façon « pesées » par le droit. Mais – et c’est là le point décisif –, selon les juristes arabes, il est bon que cette zone dont le droit ne peut en aucune façon s’occuper soit le plus large possible, parce que la justice d’une cité se mesure justement à l’espace qu’elle laisse libre des normes et des sanctions, des récompenses et des désapprobations.
(…)

Au-delà de la pertinence de cette analyse, sur laquelle nous ne reviendrons pas, nous avons ici un joli exemple de rhétorique, qui ressemble aussi à un jeu de ping pong sémantique assez auto-satisfaisant : « (…) est louable ce dont l’accomplissement est récompensé et dont l’omission n’est pas interdite, et blâmable ce dont l’omission est récompensée et dont l’accomplissement n’est pas interdit etc. »

Indépendamment encore du malabarisme syntaxique et de la joliesse des mots, « le licite et l’illicite », « l’action pesé ou non par le droit », une « zone dont le droit ne peut en aucune façon s’occuper qui doit être la plus large possible »… sont assurément loin de représenter le problème principal auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, tout comme ne le représente pas non plus l’arsenal de lois, règles, commandements qui restreignent effectivement cette zone « dont (pourtant) le droit ne peut en aucune façon…

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Auteur: PETRONILLA PETRONILLUM Le grand soir