La réforme des retraites lèse aussi les agriculteurs

Pour Alain Lafon, né en 1962, c’est un coup dur : si la réforme des retraites est adoptée, il lui faudra travailler trois mois de plus avant de pouvoir partir. Surtout, c’est tout le plan de transmission de sa ferme, le Gaec de la Maison Rouge à Vitrac (Dordogne), qui se trouve bouleversé. « J’avais prévu de partir en novembre 2023, explique l’agriculteur bio, qui élève trente-huit vaches avec sa femme Colette et leur fils Maxime, tout en cultivant un peu de céréales et transformant une partie du lait en beurre, crème et yaourts. Cela devait permettre à la compagne de Maxime, Géraldine, et à notre autre fils Jérémy, paysan-boulanger, d’être installés au 1er janvier. » Tout avait été calé presque deux ans plus tôt. Géraldine et Jérémy avaient même posé leurs démissions pour commencer des formations et préparer leur arrivée.

Ce trimestre de décalage risque de leur coûter très cher. « En agriculture, une année commencée est une année cotisée en intégralité, indique M. Lafon. Même si je ne travaille qu’un mois en 2024, je vais devoir verser 6 000 euros de cotisations à la MSA [la sécurité sociale agricole]. Ou plutôt, les jeunes devront les payer pour moi. » À l’inverse, si Géraldine et Jérémy ne sont pas installés au 1er janvier 2024, ils ne cotiseront pas pour la retraite cette année-là. « La réforme est brutale et ne tient pas compte de la longueur des parcours d’installation en agriculture », enrage l’éleveur. La famille travaille sur un plan B, où Alain Lafon partirait en novembre comme prévu pour laisser les jeunes s’installer et serait salarié deux ou trois mois par le Gaec.

À 130 kilomètres de là, dans la ferme bio de la famille Colas à Lectoure (Gers), la même indignation règne. Sylvie Colas, née en 1962, se prépare à devoir travailler huit mois de plus. « Ou plus vraisemblablement douze, parce qu’on raisonne en années culturales en agriculture », déplore la porte-parole de la Confédération paysanne du Gers et éleveuse de volailles, qui cultive aussi céréales, fruits et légumes en maraîchage avec son époux et leur fils. Derrière les mots qui se bousculent au téléphone, le désespoir pointe. « Ce matin, départ à 4 heures pour aller au marché. Après deux heures de route, je suis restée jusqu’à 14 heures dans une halle où il ne faisait pas plus de 2 °C. Ça fait trente ans que je fais ça — me lever avant l’aube, rouler, décharger. J’ai très mal aux mains, je n’arrive plus à récupérer. Et il va falloir continuer plus longtemps ? »

« On est trop fatigués pour continuer plus longtemps »

Il existe bien une alternative, réduire peu à peu l’activité à la ferme pour…

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Auteur: Émilie Massemin Reporterre