La relation franco-allemande : une simple mauvaise passe ?

Pendant plusieurs semaines, les relations entre la France et l’Allemagne ont subi une véritable tempête médiatique au cours de laquelle il a été affirmé que le « couple franco-allemand » avait volé en éclats, voire qu’il n’avait jamais existé. Puis on a assisté à plusieurs tentatives d’apaisement de la part des gouvernements des deux pays, qui étaient pourtant eux-mêmes à l’origine de ces remous.

Que s’est-il passé au juste, et à quel point la crise est-elle profonde ?

Griefs français et gestes diplomatiques

Que reproche la France à l’Allemagne ? Pêle-mêle, sa politique énergétique telle qu’elle est défendue au niveau européen, qui mise essentiellement sur les énergies renouvelables quand la France s’en remet à nouveau au nucléaire ; sa politique de soutien aux ménages et aux entreprises, le gouvernement allemand ayant négligé d’avertir la France de la mise en place d’un fonds d’investissement de 200 milliards d’euros susceptible de provoquer des distorsions de compétitivité entre les pays membres de l’Union – alors que la France elle-même a prévu un programme de 120 milliards avec les mêmes objectifs, cumulant les multiples aides d’État pour lutter contre l’inflation et la crise énergétique ; l’absence de référence à la coopération franco-allemande dans le discours sur l’Europe prononcé à l’Université Charles de Prague par le chancelier Scholz, qui a donné à Paris le sentiment que Berlin cherchait à marginaliser la France dans les programmes d’équipements militaires européens, en particulier là où celle-ci en a la maîtrise d’œuvre, comme dans la réalisation du char de combat du futur, etc.

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En outre, la France n’a pas apprécié que l’Allemagne rallie quatorze pays de l’OTAN à l’achat d’un bouclier antimissile alors qu’elle-même développe avec l’Italie son propre système de défense anti-aérien « Mamba ». Les désaccords portaient également sur la question sensible de la coopération sur « l’avion du futur » – nous y reviendrons.

Le couple franco-allemand est-il en instance de divorce ? (Arte, 26 octobre 2022).

Dans ce contexte tendu, les ministres allemands de l’Économie Robert Habeck, des Affaires étrangères Annalena Baerbock (tous deux du parti Les Verts) et des Finances Christian Lindner (FDP) ont été reçus fin novembre à l’Élysée, mais la tentative la plus médiatisée de réparer le mal fait a été assurément la visite de la première ministre Élisabeth Borne à Berlin, le 25 novembre, à l’occasion de laquelle une « déclaration commune sur la solidarité énergétique » a été publiée.

L’accent était mis sur la solidarité – cette solidarité dont la France avait reproché à l’Allemagne de ne pas faire suffisamment preuve à Bruxelles, précisément dans le domaine énergétique. Selon Paris, Berlin s’opposait à la mise en place d’un bouclier tarifaire sur le gaz alors qu’au même moment le gouvernement allemand n’excluait pas de mettre un « couvercle » sur les prix du gaz… tout en redoutant qu’un dirigisme des prix puisse être contre-productif. Rappelons que depuis la mi-octobre, la France livre du gaz à l’Allemagne, en contrepartie de quoi celle-ci s’engage à livrer de l’électricité à la France pendant l’hiver dans le cas où la défaillance des centrales nucléaires venait à provoquer des black-outs dans le pays.

Le dossier de l’avion du futur, nouvel épisode d’un débat ancien

C’est à la mi-octobre 2022 que le report à janvier 2023 des consultations franco-allemandes sur la question de l’avion de combat du futur en raison d’« un besoin supplémentaire de coordination » avait manifesté au grand jour les divergences entre les deux gouvernements, alors qu’ils étaient pourtant sur le point d’aboutir à un accord.

Rappelons qu’on ne cessait en France, depuis des mois, de reprocher à l’Allemagne d’acheter des avions américains F-35 pour remplacer les Tornados vieillissants de l’Armée de l’air allemande, jugeant que c’eût été un geste de solidarité européenne que de commander des Rafales…

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Auteur: Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de Lille