Institut Cervantes à Madrid, 2009
© baroug
J’avoue, j’y ai cru. Le 8 avril, l’Assemblée nationale a adopté une loi pour la protection et la promotion des langues régionales, dite loi Molac. Parmi cent conséquences, tout aficionado de la typo braquera sa lorgnette sur celle-ci : le dénouement de l’« affaire Fañch », rocambolesque histoire connue de chaque Breton bretonnant, mais moins du grand public hexagonal et ultramarin. On se repasse le feuilleton en accéléré ?
Fañch. Avec une ondulation sur le n. En français, ce signe, appelé tilde, est utilisé dans quelques mots d’origine espagnole : par exemple, la Doña Sol de Victor Hugo, si si señora ! Mais le tilde n’est plus en odeur de sainteté. Et sent même le soufre quand, comme dans le cas de Fañch, des parents s’avisent de doter leur enfant d’un blase qui ne serait pas conforme aux us et coutumes de la mère patrie.
En effet, pour les prénoms des poupons, la circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil « rappelle que seul l’alphabet romain peut être utilisé et que [sont seuls admises] les voyelles et consonnes accompagnées d’un signe diacritique connues de la langue française ». À savoir (roulement de castagnettes) : « à – â – ä – é – è – ê – ë – ï – î – ô – ö – ù – û – ü- ÿ – ç ».
Pas de tilde. Pas non plus d’accent aigu sur le i ou d’accent grave sur le o. La République une et indivisible ne saurait voir sans rougir semblables mésalliances.
(Par parenthèse, cette défense de la langue française serait plus convaincante si les mêmes, parfois adeptes de la start-up nation, ne s’accommodaient pas de la langue anglaise, au point que les cartes d’identité nationales seront dès le mois d’août libellées en français et en anglais.)
La République une et indivisible ne saurait voir sans rougir semblables mésalliances
On ne badine pas avec l’état civil. S’il refuse un prénom, c’est niet. Vous pouvez toujours tapoter celui-ci dans des textos, le peinturlurer sur le berceau, banderoler et calicoter l’appartement, il n’apparaîtra pas sur la carte d’identité. Sauf à aller en justice. C’est ce qu’a fait en 2017 la famille Bernard. Après que, le 13 septembre 2017, le tribunal de Quimper a statué qu’autoriser le tilde reviendrait « à rompre la volonté de notre État de droit de maintenir l’unité du pays », elle a obtenu en novembre 2018 une décision favorable de la cour d’appel de Rennes. Puis le parquet général s’est pourvu…
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Auteur: Xavier Monthéard