La rue avec sursis

Cet article nous vient de Lille et revient sur l’activation du Plan Grand Froid en février dernier et sa désactivation une semaine plus tard, rejettant à la rue et à la merci des policiers des centaines de sans-abris et d’éxilés. Il montre avec colère toute l’hypocrisie de ce plan d’urgence qui, « comme tout autre mesure d’exception qui nous rappelle que la Constitution est un conte pour enfant qu’on nous susurre chaque soir pour nous endormir ».

Nous sommes le 19 Février à Lille. Il est 18h lorsque j’accélère le pas, longeant les épiceries de la rue de Wazemmes. Dans quelques minutes, les gyrophares retentiront dans les environs, annonçant le couvre-feu. Ce soir-là, 80 personnes seront contrôlées, 17 recevront des contraventions. L’histoire ne donne pas le nombre d’interpellations fumeuses et de chassés dans les côtes. Il est clair que le quartier de Wazemmes prend des grandes gifles depuis plusieurs années, et d’autant plus fortes depuis le début de la crise sanitaire. Mais la question n’est pas là.
Je ne suis plus qu’à une centaine de mètres de chez moi, guettant la BAC de tout horizon. Je me méfie de leur ponctualité fracassante. Je croise Emma, habitante du quartier et sans abri depuis plus d’un an. Je m’étonne de la voir ici, sans toit. La semaine dernière, elle se réjouissait de quitter sa tente installée rue de Wazemmes pour accéder à une chambre d’hôtel à quelques kilomètres. « Le Plan Grand Froid a été activé » lui avait fièrement déclaré son interlocuteur du 115. Une navette du Samu Social était venue la chercher. Était alors venu le temps de la chaleur réconfortante, des couettes propres et des repas réchauffés au micro- onde.
Ce soir, Emma va mal. « Ils nous ont fait dégager de l’hôtel après une semaine », soupire-t- elle, le visage marqué par une nuit tourmentée et sans sommeil. Plus de grand froid, plus de maison. Faute à ce putain de soleil. La police a été appelée à encourager la sortie des « usagers » en bas de l’hôtel social, bras croisés et brassards orange. Matraques à la ceinture, au cas où. La préfecture avait prévu une rébellion des forcenés.
« Faudrait pas qu’ils s’habituent les clodos. »
Emma n’a même pas essayé de résister. Elle a quitté les lieux la tête haute et est retournée planter sa toile. Mais ce retour à la rue a été cruellement douloureux, me raconte-elle. Elle est épuisée, en colère, désespérée. Elle aurait préféré ne jamais quitter son campement pour s’épargner…

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Auteur: lundimatin