« La rue ou la prison, c'est ça la société qu'ils attendent ? » : une loi veut criminaliser les mal-logés

Jacques* est jugé car il occupe un logement social sans droit ni titre. Face au juge des contentieux, le retraité ne prend la parole qu’à trois reprises, même pas pour se défendre : oui, il a bien pris connaissance des pièces du dossier apportées par sa fille et l’avocate du bailleur ; il demande juste un délai avant de quitter l’appartement ; enfin il dit au revoir au magistrat du tribunal de Paris.

La fille du retraité explique qu’elle n’a plus de contact avec lui et qu’elle ne peut pas l’aider davantage. Elle et son compagnon sont brouillés avec lui depuis deux ans, après l’avoir hébergé en raison de la perte d’une partie de son autonomie.

6m2 sans eau chaude ni sanitaire

Le couple, dont le nom figure encore sur le bail, bien qu’il ait quitté les lieux, a été assigné pour une dette locative de près de 1400 euros, en réalité cumulé par Jacques, qui n’a plus les moyens de régler le loyer. « Ça nous embêterait quand même d’être en partie responsables s’il se retrouve à la rue », lance la fille à l’adresse du magistrat et de l’avocate du bailleur social. Le juge enjoint au retraité de « se préparer à la prochaine étape » : l’expulsion. La décision est attendue pour mi-février. Jacques la recevra par courrier.

Franck*, absent au tribunal mais représenté par son avocate, a été assigné en justice en juillet 2022 par son propriétaire pour une dette de loyer. L’homme vit depuis huit ans dans un logement de 6m2, c’est-à-dire sous les 9m2 autorisés à la location. L’avocate de la défense insiste, par ailleurs, sur le loyer de cette habitation – « 40 euros le m2 » – pour un logement qui ne respecte pas les règles de décence, « qui n’a ni eau chaude ni sanitaires ».

Les dossiers de litiges locatifs et d’occupations illicites sont souvent complexes, loin du manichéisme régulièrement colporté par certains élus et médias. Ils mêlent parfois accidents de la vie – perte d’un emploi, divorce, maladie… – et mal-logement. Devant le juge, chacune des parties peut, en principe, exposer ses arguments. Ce système laisse aussi la place à des résolutions à l’amiable entre les propriétaires et les occupants avant ou au cours de la procédure.

C’est tout cela que la proposition de loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite » portée par les députés de la majorité Guillaume Kasbarian et Aurore Bergé veut bouleverser. Depuis la présentation du texte à l’automne, le Syndicat de la magistrature, le…

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Auteur: Margaret Oheneba