La soupe et le pétrole

Une nouvelle mode agite les couloirs des galeries de musées depuis le mois de juillet. Des visiteurs s’en prennent, sans grand scrupule apparent, à la décoration : des tableaux de Botticelli, Van Gogh, Picasso… se retrouvent tantôt couverts de potage, tantôt de colle forte, tantôt de colle forte et de jeunes militants écolos.

Ce texte propose de considérer ces nouvelles pratiques comme une invitation à questionner notre rapport à l’art et à la nature.

Parmi d’autres, Just stop oil. On les appelle activistes. Le dispositif semble le même, un musée, un tableau célèbre, « protégé » par une vitre, aspergée de liquide alimentaire, soupe, sauce ou purée, on se colle une main à la cimaise, on s’agenouille au bas de l’œuvre (Tournesols, Meules de foin, Jeune fille à la perle…), un discours accompagne le geste, on attend l’arrestation, physiquement une délivrance.

Ces activistes, dont le geste est à la fois immédiatement artistique et politique, viennent-ils d’une école d’art ? Peu importe. Leur dispositif (installation et performance) coule du même flot surgi des sources de Warhol, Duchamp, Dubuffet et de ces artistes sans œuvre chers à Jouannais.

Warhol, la soupe jetée sur la vitre des tournesols de marque Campbell fait signe vers la série. Avec L.H.O.O.Q. Duchamp mettait des moustaches à une image de la Joconde, pas à la Joconde. La soupe n’est pas jetée sur l’œuvre, mais sur sa condition d’exposition, l’écran vitré qui transforme le tableau en image, nous sépare de sa texture, de sa matérialité, de sa pâte. La soupe ne vise pas l’art mais sa protection et s’il y a iconoclasme (comme certains le disent), il casse non le tableau, mais une image de l’art, l’asphyxiante culture dont l’art ne cesse de souper. Quant au dispositif, il est sans trace durable, un cri dans le désert, des corps répondent de ce qu’ils font, corps bien plus solidement attachés aux cimaises que les œuvres accrochées. Pas de fuite. Dans la grande tradition de la désobéissance civile (Thoreau), il fait partie du dispositif que les conséquences soient acceptées. Eux au moins ne sont pas irresponsables, ils ne font pas de la politique en douce.

Passons sur les jugements : vandalisme, iconoclasme  ; ces jeunes se trompent de cible (des écolos) ; facile de s’attaquer à l’art qui ne peut se défendre (le monde de l’art et de la culture).

Aucun de ces jugements ne voit dans ces actions politiques une performance artistique. Les remarques de Michel Foucault sur le côté cynique

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Auteur: lundimatin