La Souveraineté adamique

Dans ce livre, Ivan Segré, philosophe et talmudiste, conduit une démonstration qui fait se rejoindre l’exercice philosophique et l’exercice talmudique, à savoir respectivement, selon ses propres mots (Judaïsme et Révolution, 2014) composer un exposé « clair, concis, distinct » à propos d’un corpus « dialectique, labyrinthique et rusé ». Si ce n’est qu’il s’agira moins, ici, du Talmud que de la Bible et de l’émergence du monothéisme. La souveraineté adamique propose en effet une lecture stimulante du texte biblique, et plus particulièrement de la Genèse, lecture qu’il poursuit dans ses retranchements cabalistiques ; jusqu’au point où cette démonstration mène à des divergences logiques et politiques. Contre une lecture conservatrice des textes, contre une captation hellénistique, romaine, ou paulinienne, l’auteur revient au sens contenu dans l’écrit biblique, et à sa potentialité révolutionnaire.

Julien Chanet : Commençons par le commencement, qu’est-ce qu’une anthropogonie, concept que vous mobilisez, et qu’est-ce qui fait, selon vous, que le texte de la Genèse est un texte bien plus subversif que nombres de lectures laissent à penser ? Ivan Segré : Une cosmogonie est un récit de la création du monde, ou du cosmos ; une anthropogonie est un récit de la création de l’humain, ou de l’anthropos. Ce que je montre dans les premiers chapitres de La Souveraineté adamique, c’est qu’en partant des mythologies du Proche-Orient antique, on s’aperçoit que l’anthropogonie hébraïque est d’abord une critique de l’anthropogonie babylonienne. Dans la tradition babylonienne, l’humain est créé afin de produire la subsistance des dieux ; dans la tradition monothéiste, dont les écrits sont postérieurs d’un millénaire et empruntent délibérément aux mythes babyloniens, l’humain est créé afin d’entrer en relation avec l’unique dieu créateur, afin de le sortir de sa solitude, en quelque sorte. C’est ce fil directeur que je m’évertue à dérouler, et dont j’explore en effet la dimension subversive, puisqu’elle saute aux yeux une fois mis en évidence ce point de départ. Vous relevez dans l’introduction que Marcel Gauchet, après bien d’autres, identifie une logique impériale dans le monothéisme hébraïque. Au contraire, selon vous, l’argument de la « fable hébraïque » est celui d’une libération, ou d’une « inservitude volontaire, d’une indocilité réfléchie » (dans les pas de Foucault). Vous soulignez…

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Auteur: lundimatin