La stratégie du karaoké

Après plusieurs semaines de parcours dans les rues, plusieurs kilos de gaz ingérés, des coups évités de justesse ou encaissés, des heures de nasses et d’acouphènes, certains bourguignons ont jugé opportun de montrer qu’une bonne bande son, parfois, pouvait permettre à la foule d’opérer une certaine variation qualitative. Le 28 mars 2023, à Chalon-sur-Saône, des manifestants ont donc opté pour la stratégie du karaoké.

Quand on prépare une manif, on réfléchit à une fête. Une grande fête à notre image. On a souvent de quoi passer du son. On soigne la playlist, les couleurs, les affiches, les stickers. On veut que la manif donne envie à celleux qui ont besoin de défendre leurs droits. On veut de la fraîcheur, de l’inventivité partagée. Montrer qu’il n’y a pas qu’un seul chemin pour se faire entendre. On y passe du temps. Pour que la fête déborde, qu’elle rassemble. On se retrouve, on cherche, on imprime, on sérigraphie, on s’en fout plein les doigts, on s’organise et on s’acharne à vouloir faire transpirer la joie malgré un gouvernement qui saccage allègrement nos droits, nos vies. Comme un chat dans nos semis de salades, mais en moins mignon. Rien à foutre, c’est bien ça ?

Hey coucou toi

Oui toi

Là-bas

Là-haut

Youhouuuuu

Regarde

On est là

On danse

On joue

C’est du mouvement

Ouais voilà, la fête permanente, la rigolade, battre le pavé pour pas se faire (ab)battre, écouter de la musique fort et danser dans la rue, chanter fort et faux, être là
Depuis des semaines, la sono brouille les pistes
Les murs se couvrent d’affiches, de stickers

DARMANIN GROS MYTHO

VOLEURS DE VIES

ALLÔ LA DÉMOCRATIE, JE CROIS QUE MACRON FAIT NIMP

JE VEUX PAS MOURIR AU TRAVAIL

ON BOUGERA PAS

4000 GRENADES, ET C’EST NOUS LA VIOLENCE ?
La rue reprend ses couleurs, on y impose nos fêtes en même temps qu’on dit notre colère. C’est notre façon de tenir bon.

On se masque. Et alors ? Vous voulez qu’on parle de la loi qui est passée le 23 mars pendant que toutes les oreilles étaient branchées sur les violences des vilains casseurs et des flics sur leurs nouveaux joujoux à roulettes ? C’est pour les JO, c’est ça ? On se protège de tout, parce qu’on ne sait pas si demain votre monde ne sera pas capable de nous enfermer pour avoir chanté, pour avoir dessiné, pour s’être aimé dans la rue. Tout ce qu’on voit c’est que le gouvernement n’est pas près de mettre un terme à l’écocide. Qu’il n’est pas près de prendre soin de celleux qui en ont besoin. Ce qui…

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Auteur: dev