La suppression de l’ISF commence à produire ses premiers effets positifs

Plus encore que le prélèvement forfaitaire (« flat tax ») à 30 % sur tous les revenus du patrimoine mobilier des particuliers (intérêts, dividendes et plus-values), la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) limité aux seuls biens immobiliers constituait bel et bien en 2017 la mesure phare de la révolution de la fiscalité patrimoniale du premier quinquennat du président de la République Emmanuel Macron.

Cette décision visait à réorienter l’épargne vers les investissements de l’économie réelle et l’emploi en renforçant l’attractivité du pays et en stoppant l’expatriation des grandes fortunes. Selon les dernières statistiques (de 2021 parues en juin 2022), le nombre d’assujettis à ce nouvel avatar de l’impôt sur la fortune française a logiquement diminué, avec 153 000 foyers imposables contre 358 000 pour la dernière année de l’ISF en 2017, les recettes chutant de 4,2 milliards d’euros à 1,37 milliard et l’actif net imposable total de 1 028 milliards d’euros avant la réforme à 373 milliards en 2021.

Un impôt clivant

Depuis sa création en 1981 sous l’intitulé d’impôt sur les grandes fortunes (IGF), qui fleurait bon la lutte des classes ; puis son rétablissement en 1988 sous la forme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) destiné à financer le revenu minimum d’insertion (RMI) instauré au même moment, l’impôt sur la fortune a toujours été populaire, puisque moins de 1 % des foyers fiscaux le payait.

Il a également toujours été politiquement clivant. La droite conservatrice et libérale le dénonçait au nom de son inefficacité et de son caractère parfois spoliateur comme dans l’affaire des terrains de l’ile de Ré, où des propriétaires modestes se voyaient assujettis à l’impôt en raison de la flambée du prix du foncier. Quant à la gauche, elle appelait à l’alourdir au nom de la justice sociale.

La littérature scientifique sur le thème s’est également rapidement divisée en deux cadres théoriques inconciliables. Pour les uns, comme les économistes Thomas Piketty et Gabriel Zucman, il s’agissait d’un instrument efficace de justice sociale destiné à réduire les inégalités de patrimoine incontestablement beaucoup plus fortes que celles liées aux revenus : les 10 % les plus riches détenant 46 % de la richesse, contre 25 % des revenus. Pour les autres, cet impôt entraînait une expatriation des plus fortunés et représentait in fine un coût élevé pour l’économie et même pour les recettes fiscales.

Dans un article publié dans La Revue de droit fiscal du 5 avril 2007 nous avions analysé les conséquences économiques de l’ISF. Selon nos conclusions, la fuite légale des capitaux à l’étranger depuis sa création en 1988 représentait alors environ 200 milliards d’euros et une perte de recettes fiscales de 7 milliards d’euros par an, soit près du double des montants collectés. En outre, l’ISF réduisait probablement la croissance du PIB de 0,2 % par an, soit environ 3,5 milliards (l’équivalent de ce qu’il rapportait alors).

Un impôt en voie de disparition

En conclusion, dans un monde ouvert, l’ISF appauvrissait le pays et générait même un transfert de la charge fiscale des expatriés vers tous les autres contribuables, à l’exact opposé de la justice fiscale. Nous avions d’ailleurs participé dès 2016 au débat fiscal de la présidentielle 2017 en rappelant les effets nocifs de l’ISF dans un environnement de fiscalité patrimoniale déjà très lourd en France.

La disparition progressive de l’impôt sur la fortune des systèmes fiscaux européens depuis 1994 pour des raisons d’efficacité économique et budgétaire est un fait incontestable qui corroborait notre hypothèse de nocivité de l’ISF.

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Ainsi les Pays-Bas, qui l’avait instauré en… 1894 l’ont supprimé en 2001, précédés par l’Autriche en 1994, le Danemark en 1995, l’Allemagne et l’Irlande en 1997 et suivies par la Finlande en 2006 et la Suède de 2007. Les motivations étaient diverses mais la fuite des capitaux, les distorsions dans l’allocation des ressources ou les questions d’équité dans la…

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Auteur: Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School