La vengeance, c'est quoi ?

J’ai rencontré le Diable de Kim Jee-woon (2010)

Nos sociétés sont violentes aujourd’hui et si des films très différents en style, propos et qualités traitent cette question de manière centrale, ce n’est pas un hasard. Une œuvre comme The Purge ( 2013), de James DeMonaco, plus connue sous le titre American Nightmare, fait peu ou prou un constat social similaire à celui de Funny Games (2007), de Michael Haneke : la société cherche à contenir la violence naturelle des individus via un ordre social violent, qu’il soit physique, moral ou symbolique. Tout revient au questionnement philosophique sur lequel Hobbes, Rousseau et autres s’écharpaient déjà il y a de cela trois siècles : l’homme est-il fondamentalement bon ou mauvais ? Et surtout, la justice en tant qu’organisation étatique, représentant souvent le rapport de forces social, a-t-elle une réelle légitimité ? Ou est-elle plus sûrement exercée par une personne privée ?

Lire aussi Gilles Favarel-Garrigues &

Laurent Gayer, « Le temps des justiciers autoproclamés », Le Monde diplomatique, novembre 2021.

Le fait même de traiter de la vengeance et d’en faire un objet presque jubilatoire répond rapidement quoique sommairement à la question. Dans une société ultracapitaliste qui émet comme priorité le profit et l’accumulation au-delà de tout principe moral, la vengeance que mettent en scène certains films ne serait-elle pas finalement plus proche de la revanche sur la justice bourgeoise aveugle que d’une vendetta égocentrée ?

La Corée est actuellement représentée sur la scène internationale par une poignée de réalisateurs excessifs et singuliers — Bong Joon-ho, Park Chan-Wook, Kim Jee-woon et Na Hong-jin. Leurs productions sont loin d’être tout public et même un gaillard bien averti pourrait chanceler devant l’outrance de ce cinéma entre thriller, drame et horreur. Mais c’est bien parce qu’ils mettent en scène une entreprise de vengeance maximale sur tout ce qui détruit dans une société disloquée que ces films passent du défouloir au chef-d’œuvre. Chacun d’eux la traite avec ses propres codes. Quand Joon-ho base son récit sur une fuite en avant complètement hallucinante dans un cadre ultraréaliste, Chan-Wook, lui, propose une œuvre des plus borderline et fantastique en allant chercher le spectateur jusque dans ses angoisses et tabous les plus profonds.

Old Boy de Park Chan-wook (2003)

Oscillant entre le mélo, la comédie, le…

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Auteur: Étienne Cherchour