Ce vendredi 4 mars 1960 vers 9 h 30, le cargo français La Coubre accoste le quai de La Havane. À son bord, des marchandises chargées dans les ports de Hambourg, d’Anvers et du Havre à destination des États-Unis, du Mexique et d’Haïti.
Jean Le Fèvre est second capitaine. Il témoigne : une fois le personnel extérieur au navire autorisé à monter à bord, une vingtaine de soldats en armes pénètrent immédiatement sur le navire (1). Puis c’est au tour des dockers, dûment identifiés. À 11 heures débute le déchargement des marchandises situées à l’avant. Au même moment, un membre d’équipage ouvre les cadenas qui ferment exceptionnellement la cale VI, tout à l’arrière. Neuf-cent-soixante-sept caisses en bois contenant 1,5 million de munitions sont placées dans des filets et débarquées sur le quai à l’aide des grues du bateau. Cette opération dure jusqu’à 14 h 45.
Le Fèvre ordonne ensuite l’ouverture d’un autre compartiment de cette cale et l’on procède au transbordement de 525 caisses renfermant 25 000 grenades. Cet armement a été vendu par la Fabrique nationale d’armes de guerre de Belgique et chargé vingt jours plus tôt à Anvers.
Un peu avant 15 heures, le chef-mécanicien Marcel Guérin rejoint sa cabine pour écrire à sa femme : « J’avais à peine écrit “Chérie” que retentit une explosion indéfinissable.Le bateau partit en avant comme une fusée, se souvient-il. J’ai pensé que l’huile ou la vapeur avaient explosé en salle des machines. La cloison de ma chambre s’est effondrée, et le lavabo s’est écrasé sur mon oreiller. » Guérin se rend aussitôt à la salle des machines, gagnée par les flammes et la fumée. Aidé de ses assistants il coupe l’électricité, mais ne parvient pas à arrêter le moteur ni à fermer la porte étanche. L’eau commence à s’engouffrer. Ils quittent les lieux.
Quand survient l’explosion, Le Fèvre pense qu’elle a eu lieu sur le quai. Mais lorsqu’il parvient sur le pont, tout n’est que confusion et cris. Le navire s’incline d’une quinzaine de degrés vers la droite et s’est éloigné d’environ quatre mètres du quai ; l’arrière est en ruines. Avec le gigantesque champignon de fumée sont projetés des morceaux de métal, de bois et des fragments de projectiles qui retombent dans un rayon de cinq cents mètres. « Ce fut une explosion si énorme que j’ai cru que les États-Unis avaient commencé à nous envahir, raconte, à La Havane, l’historienne Adelaida Béquer. Je n’oublierai jamais cet énorme nuage de…
La suite est à lire sur: www.legrandsoir.info
Auteur: Hernando CALVO OSPINA Le grand soir