La vie paisible des bouquetins, revenus dans les Pyrénées

Ce reportage s’inscrit dans notre série La balade du naturaliste : une randonnée à la découverte d’une espèce ou d’un milieu exceptionnel, en compagnie d’un passionné, qui nous explique.


Parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises, reportage

La brise caresse les téméraires jonquilles, encerclées par la neige. Dans la vallée, le village d’Aulus-les-Bains se réveille. Julien Canet s’interrompt soudainement de marcher. Il me fait signe d’approcher et chuchote : « Les voilà, regarde ! » Dans l’oculaire de la longue-vue apparaît le majestueux mammifère. La profondeur de son regard jaune safran est saisissante. Ses cornes, finement annelées, sont massives. Une barbe noire recouvre son menton.

Chaque semaine, au printemps comme à l’automne, Julien emprunte les sentiers rocailleux des montagnes ariégeoises. Avec une mission : débusquer et suivre le bouquetin des Pyrénées, car il est chargé de sa réintroduction pour le Parc naturel régional (PNR) des Pyrénées ariégeoises. Depuis 2014, onze lâchers y ont été organisés et quelque 180 spécimens y gambaderaient aujourd’hui. Une renaissance pour cet ongulé au passé tourmenté.

Les fleurs se font rares sur les sommets enneigés.

« Cette espèce a côtoyé des animaux préhistoriques, comme l’ours des cavernes et le mammouth, dit, fasciné, le naturaliste et photographe. Contrairement à eux, il a survécu au changement climatique » — soit les périodes de très grands refroidissements typiques de la fin du paléolithique. La quantité incroyable d’ossements retrouvés dans la grotte ariégeoise de la Vache et les célèbres peintures pariétales de la grotte voisine de Niaux révèlent qu’il était une des proies favorites des Magdaléniens.

« Le plus malheureux, c’est que la seule chose à laquelle il n’a pas su s’adapter… c’est l’Homme ! » Au Moyen-Âge, l’apparition des armes à feu a en effet signé le début du déclin de l’espèce. En 1910, elle avait disparu des Pyrénées françaises. Versant espagnol, le dernier bouquetin a succombé à l’aube du XXIe siècle. « L’histoire aurait pu s’arrêter là, poursuit Julien. Mais en juillet 2014, trois femelles et six mâles d’une sous-espèce vivant au nord de Madrid ont été réintroduits. Un moment émouvant ! »

Quelque 180 spécimens gambaderaient aujourd’hui.

Tombé la veille, un voile blanc recouvre le paysage. Jumelles en bandoulière, Julien quitte la route et s’enfonce dans la forêt. Un faucon crécerelle danse dans le…

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Auteur: Emmanuel Clévenot Reporterre