La ville stationnaire, nouvel imaginaire urbain

Débutons par un paradoxe statistique. Sur les cinq dernières années, la population française a cru à hauteur de 165 000 personnes par an. Vu la moyenne de personnes par ménage (2,2 aujourd’hui, contre 3,1 en 1960), on peut s’attendre à une augmentation proportionnelle du nombre de logements, soit autour de 80 000 par an. Mais sur cette même période, le parc immobilier a augmenté de 350 000 logements par an. Autrement dit, le parc immobilier croît deux fois plus vite que la population française.

Or, comme l’expliquent Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence de Selva dans leur essai La ville stationnaire. Comment mettre fin à l’étalement urbain ? (Actes Sud, octobre 2022), cette frénésie de nouvelles constructions augmente mécaniquement la taille des villes et particulièrement celle des métropoles, au détriment des terres agricoles.

Depuis 1982 en France, ces dernières ont ainsi chuté de 7,7 % pour ne représenter désormais qu’à peine la moitié des sols du pays, tandis que les sols artificialisés ont, à l’inverse, augmenté de 72 %, soit 9 % des sols nationaux aujourd’hui ; le tiers restant se compose de sols naturels, stables depuis quarante ans.

Cette artificialisation des sols est connue et débattue de longue date. Elle produit des effets délétères tant à la campagne que dans les métropoles, devenues de plus en plus « barbares » selon l’expression du géographe Guillaume Faburel. Comme ce dernier, les auteurs de La ville stationnaire jugent les villes denses contreproductives, selon la définition qu’en donne Ivan Illich.

En effet, si « les citoyens hyperurbains prennent peu de place », ils « mobilisent des mètres carrés à l’extérieur par leur profil de consommation » et transforment les terres agricoles avoisinantes en « espaces servants » des métropoles. Par conséquent, même si ce phénomène est invisible depuis le cœur des métropoles, « la ville-centre artificialise bien au-delà de ses limites : elle contribue, voire incite à l’étalement urbain ».

Beaucoup plus inédite est l’approche des trois auteurs pour envisager de mettre concrètement un terme à l’étalement urbain. En raison de leurs parcours techniciens — Bihouix est ingénieur, Jeantet et De Selva sont architectes —, les essayistes revendiquent une approche pragmatique du phénomène urbain, aux antipodes des utopies architecturales d’un Le Corbusier : « Les villes idéales sont déjà là, ce sont celles que nous habitons. Elles ne sont pas idéales parce…

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Auteur: Maxime Lerolle Reporterre