La voix d’Aïda ne dit pas tout

Sorti sur les écrans en septembre, La Voix d’Aïda de Jasmila Žbanić fait partie des rares films qui retracent la guerre civile de Bosnie. En mettant en scène l’épisode de Srebrenica, un massacre d’hommes musulmans par des milices serbes avec l’aide involontaire des Casques Bleus néerlandais, Žbanić montre une séquence historique douloureuse et entrevoit l’avenir avec optimisme. Du moins en façade.

Un quart de siècle après une guerre civile particulièrement dévastatrice, la Bosnie-Herzégovine atteindra-t-elle un jour la « fin de l’histoire », vivra-t-elle son moment Fukuyama sous les auspices de la postmodernité américano-européenne ? La Voix d’Aïda semble pencher pour cette vision de l’avenir, mais sans y souscrire les yeux fermés. Si elle ne constitue pas le cœur du film, la projection dans l’avenir en est tout de même un enjeu, une idée sous-jacente hautement sensible. Lorsqu’on aborde le massacre de Srebrenica, il ne s’agit pas seulement de reconstituer le passé, il s’agit de montrer sur quoi le pays est assis.

La Voix d’Aïda n’est pas une superproduction, le projet est conduit par Deblokada, une maison bosnienne[1] habituellement portée sur le documentaire. Le film est cependant ambitieux et il existe grâce à un attelage de financements publics issus de huit pays proches. Parmi eux, l’Autriche et la Turquie, anciennes puissances impériales, mais aussi l’Allemagne, la France ou encore les Pays-Bas qui ont fourni le régiment de Casques Bleus en poste à Srebrenica, sujet du film. Sans oublier l’inévitable Union européenne et la très fukuyamesque fondation de George Soros, Open Society. Tout cela est plus homogène que ça en a l’air – on cherche en vain une trace de la Serbie ou d’un pays qui en soit culturellement proche. En fait, La Voix d’Aïda est une production à l’image de la Bosnie actuelle : indépendante mais pas trop. 

Un massacre très évitable

En 1995, les milices serbes bosniennes sont soutenues par la Serbie de Slobodan Milosević, sous le regard bienveillant de la Russie de Boris Eltsine. Lancées à la conquête de la Bosnie orientale, les milices conquièrent la ville de Srebrenica, majoritairement musulmane. La population en déroute trouve alors refuge dans un campement de l’ONU voisin et y survit quelques jours dans des conditions précaires. Dépassés par les événements, peu ou mal soutenus par l’OTAN et l’ONU, les Casques Bleus néerlandais acceptent de négocier la remise de la population aux…

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Auteur: Pierre Bonnay