L'adolescent marmoréen

Avertissement

Mon héros est adolescent
Mais contre-héros de notre temps ;
Hier encore il me disait
Son empressement
De pressentir une joie d’Antan
Qu’un temps qui vient renfermerait.

Il disait odorer la bifurcation
De la mémoire, des vers et de l’action ;
Et c’est vrai qu’il odorait
Ce parfum brûlant d’Annonciation.
Dans ses yeux ses gestes et ses passions
La fugue d’un monde s’improvisait.

Il avait dû être musicien
Un soir de printemps soixante-et-onze
Et d’autres soirs et d’autres temps ;
Ou du moins l’était hier
Sur le boulevard Beaumarchais
La tête chantante comme au-devant.

Se laissait porter à grandes dents
En ce point exact d’embranchement
La voix des autres l’attendaient
Le recueillaient l’interpellaient ;
La nuit tombait,
L’art de la fugue devenait bleu.

Et la rue entière boréale
Aux rais superbes des néons
D’une vieille cité commerçante
Se rappelait ses veilles dansantes ;
Ses camarades, ses carmagnoles
Rendaient l’hiver à sa lumière.

Au loin j’aperçus la fumée tournoyer
Qui entourait la grande colonne ;
C’était juillet cette nuit de novembre ;
Tous ses fantômes qui prenaient corps
Ceux qui s’armèrent – est-il gravé –
Et combattirent jusqu’à la mort

Au nom des publiques libertés
En la faveur intercédaient
De l’événement qu’ils commandaient.
Et mon génie de liberté
L’adolescent de ce récit
Me tint à peu près ce qui suit.

I. Répétition

La Bastille, ainsi commença-t-il,
Est notre temple :
Là où cesse ton babil
Que tu sais-bien inutile.
Notre mémoire des émotions
Est venue rendre impérieuse — Va savoir : vertueuse !
La tentation de répéter
Une autre histoire que la nôtre.

Vois-tu là-haut la danse des spectres
Et les nuages d’un gris hurlant
Qu’il est toujours l’heure qu’il est
L’heure du chaos de l’heure du monde
Enfin l’heure d’une danse nouvelle
Comme en augure de l’autre vie
De l’outre-moi, de l’outre-çà.

Veux-tu t’y joindre et disparaître
Effacer même ton visage
Le dernier reste d’ensablure
Qui râpe la glie de tes synapses
Engorge la fuite de tes désirs
Et renvoyer ce ciel trop lourd
Trop bas ?

Pense avec tes os
Et ne dis rien.

II. Chaos

Il avait compris l’échec des signes
Appelait cela : la Solitude.
Trop au-devant pour s’en flatter
Ci-vois en mots comme il poursuit :
L’Histoire tu crois est comme une flèche
Du temps qui tance en avançant :
Présent ! Présent ! Présent !
Que tu sais tant que tu ne sais pas, etc
Balance un peu tes vieux livres, pour voir
L’illuminé d’Hippone est un grand maître
Mais le présent n’est pas présent
Le futur est virtuel
Et le passé…

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Auteur: lundimatin