Pavel Filonov. — « Formule de la révolution », 1920.
Il était fatal qu’il vînt. Nous y sommes. Comme toujours quand sonne l’événement, la situation va se clarifier avec une cruelle netteté. On va savoir qui est où, et on va le savoir sans erreur possible.
Lire aussi Benoît Bréville, « Un peuple debout, un pouvoir obstiné », Le Monde diplomatique, avril 2023.
Pour ce qui est des médias du pouvoir, on le sait déjà — ou plutôt la confirmation est acquise. Car le swing de ces médias s’est fait en une après-midi, avec une brutalité qui ne trompe pas — en un instant, et à cette seule indication, on sait que les points critiques du système du pouvoir sont atteints. Jeudi 23 mars, au soir de la manif monstre, BFM avait fusionné avec la salle de commande de la préfecture de police et n’avait plus qu’une source à écouter : Darmanin-Nuñez. Envolés le projet de réforme « Retraite », l’obstination insensée du forcené, les millions de personnes manifestant avec ténacité depuis deux mois — pour ne pas même parler de la porcherie policière dans les rues de Paris et d’ailleurs : il n’y avait plus que poubelles en feu, « éléments radicalisés », et surtout, « violence, « violence », « violence » — des manifestants. France Info, France Télé : à la suite de l’audiovisuel privé, l’audiovisuel public, pour une bonne part, est lui aussi passé en mode Radio-Police, Télé-Police.
L’impasse de la soumission aux médias
Au passage vole en éclats la terrible illusion stratégique de l’Intersyndicale qui pensait conduire un mouvement contre les intérêts de la bourgeoisie sous les vivats de la presse bourgeoise — mais qui ne voit aussitôt l’erreur manifeste de cette formulation ? : « conduire un mouvement contre les intérêts de la bourgeoisie ». L’Intersyndicale n’avait évidemment aucune intention de cette sorte, même si l’entreprise dans laquelle elle se lançait l’impliquait logiquement. Cette contradiction profonde, essentielle, l’a conduite là où elle en est : des manifestations de masse dont l’inanité est désormais avérée (elle l’était dès le début), butant dans un pouvoir décidé à ne rien entendre. Voilà donc l’Intersyndicale rendue au point d’échec qui l’attendait depuis le début, sans la moindre solution alternative puisqu’elle les refuse toutes, que ce soit la grève générale, à laquelle elle n’aura jamais appelé, ou la déclaration du moindre soutien à tous…
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Auteur: Frédéric Lordon