L'agriculture malade de la technologie

Printemps 2016. À Paris, Nuit Debout draine les foules de curieux place de la République. Parmi elles, l’auteur de ces lignes, jeune banlieusard qui, de la campagne, n’a qu’une image d’Épinal, découvre par hasard lors d’un atelier sur les méfaits de l’agriculture industrielle que celle-ci ne nourrirait pas les hommes, mais les banques. Pour lui qui a été élevé à l’école républicaine, où l’on apprend sagement les mérites des Trente Glorieuses et de la révolution agricole, la chose étonne, mais l’idée germe et fait son chemin.

Cinq ans et des milliers de lignes lues plus tard, ledit jeune homme qui a mûri obtient confirmation de cette analyse avec Reprendre la terre aux machines, ouvrage collectif de L’Atelier paysan paru pendant la crise du Covid-19. Avec une explosion du nombre de demandeurs d’une aide alimentaire — en octobre 2020, 26 millions de personnes déclaraient ne pas avoir les moyens de manger comme elles le souhaitent —, celle-ci a dramatiquement mis en lumière un problème structurel : l’agriculture industrielle ne nourrit pas les gens.

En dépit de son avantage affiché de plus grande productivité, l’agriculture industrielle ne parvient pas à nourrir correctement les gens. Pixabay/CC/Jolanchapin

En cause, selon les membres de L’Atelier paysan : le principe même de la révolution agricole des Trente Glorieuses, à savoir produire une alimentation à bas coût. Un tel choix politique, décidé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a complètement remodelé le visage de l’agriculture française. Ou plutôt, il en a fait disparaître les principaux acteurs : les paysans. Poussés par l’État et les syndicats agricoles — au premier chef la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) — à moderniser leurs équipements, les paysans sont entrés dans la spirale vicieuse de l’endettement : acquérir plus de terres pour rembourser l’achat d’un tracteur, changer son robot de traite pour exploiter encore plus ses vaches, etc. Avec à la clé les revenus dérisoires, la chute drastique de fermes et les suicides en série que l’on connaît aujourd’hui.

Ainsi, un événement apparemment aussi banal et technique que l’arrivée du tracteur dans les fermes révèle in fine un projet politico-économique : « L’intégration de l’agriculture à l’industrie et la transformation de l’agriculture elle-même en industrie extractiviste, simple pourvoyeuse de matières premières et débouché majeur pour les industries…

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Auteur: Reporterre