Il existe de nombreux Lénine, comme en témoigne amplement l’étonnante galerie d’images discordantes présentée tout au long de ces remarquables quarante et une « Journées léninistes ». C’est là, en effet, l’un des signes les plus sûrs du statut désormais « classique » de Lénine : tant de lecteurs différents ont pu trouver dans sa pensée et son action autant de manières d’aborder les questions historiques et contemporaines, et surtout une manière de saisir l’imbrication constante de l’historique et du contemporain.
Lénine est un « classique » en ce sens précis : non pas un monument figé issu du passé, mais un prisme réfractant à travers lequel le présent peut chercher à acquérir de nouvelles perspectives sur sa relation à lui-même[1].
Compris ainsi, il ne peut jamais être question de choisir entre l’un ou l’autre de ces Lénine : Lénine l’organisateur du parti et le théoricien austère de la discipline organisationnelle, par opposition à Lénine le tacticien presque anarchiste de la spécificité temporelle de l’intervention politique dans les rapports de force existants, par exemple, ou Lénine le praticien poétique (dadaïste ?) du slogan opportun, par opposition au défenseur pragmatique de la Nouvelle Politique Économique et de la Révolution culturelle[2]. Nous avons besoin de tous ces Lénine, de tous ces angles de vue différents sur le passé, le présent et l’avenir de la politique révolutionnaire au sens authentique, en tant que tradition vivante. La capacité à les hériter tous, dans leur conflictualité et leur créativité, au cours des vingt dernières années et tout au long de cette série de séminaires véritablement mondiale, peut, en ce sens, être considérée comme un indice de la maturation croissante d’une nouvelle culture socialiste générationnelle[3].
Dans ce texte, je propose de me concentrer sur un seul de ces Lénine, et plus précisément sur un moment…
Auteur: redaction