L'Amazonie, une forêt dépeuplée par la colonisation

En 1541, le conquistador Francisco de Orellana lança une expédition depuis les Andes, récemment conquises par les Espagnols, vers l’est de la cordillère, en direction du mythique « pays de la cannelle ». À défaut de la précieuse épice, les conquistadors, traversant l’Amazonie d’ouest en est, rencontrèrent une région foisonnante, peuplée de nombreux et prospères établissements amérindiens le long du fleuve, comme en témoigna le prêtre Gaspar de Carvajal dans sa relation de l’expédition.

Or, cinq siècles plus tard, que sont devenues ces bourgades amazoniennes ? Il n’en resterait que des clans indigènes nomades, errant hagards dans la forêt. Que s’est-il passé pour qu’un Éden, loué par les explorateurs européens, devienne un désert vert, sinon un enfer ?

Dans son ouvrage La forêt vierge d’Amazonie n’existe pas, l’archéologue Stéphen Rostain, directeur de recherche au CNRS, s’appuie sur les dernières découvertes et méthodes archéologiques pour reconstituer les fastes d’une authentique civilisation amazonienne, anéantie lors de la conquête des Amériques. Et retracer, en contrepoint, la genèse de l’écocide à l’œuvre aujourd’hui en Amazonie.

Un territoire façonné par l’humanité

Depuis la thèse de Rostain en 1994, de nouvelles méthodes archéologiques ont considérablement renouvelé le regard qu’on portait sur le peuplement humain de l’Amazonie. Vue du ciel, à travers les yeux d’un drone ou d’un radar Lidar, la forêt apparaît nettement moins hostile aux hommes qu’on ne le croit au sol. Certes, à la différence des Aztèques, des Incas ou des Mayas, les Amazoniens n’ont pas bâti de temples en pierres massives ; et pourtant, les images zénithales, illustrant abondamment l’ouvrage de Rostain, révèlent combien ils ont façonné leur territoire. À défaut d’ériger des monuments cyclopéens, les Amazoniens élevèrent des buttes de culture, propices aux plantations agricoles, dans toutes les savanes littorales. Ce qui fait dire à l’auteur qu’« avant d’être de rusés pêcheurs et d’habiles navigateurs, les Amazoniens furent de formidables terrassiers, changeant la morphologie du sol qu’ils foulaient en creusant et en surélevant la terre sans limite ». De même, une analyse des sols en profondeur met à jour l’impact anthropique millénaire. À force de laisser à la forêt leurs déchets organiques, les indigènes ont donné naissance à un nouveau type de sol forestier : les terras pretas, des terres noires extrêmement fertiles sur…

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Auteur: Maxime Lerolle Reporterre