L’angle mort de la crise israélienne

Si le néoconservateur américain Samuel Huntington n’avait pas fait un si mauvais usage du concept, on pourrait parler de choc des civilisations. Car ce sont bien deux mondes qui s’affrontent depuis plusieurs mois en Israël. L’un qui se veut démocratique et moderne, l’autre théocratique, raciste et violent. C’est hélas le second qui est au pouvoir, sous la férule du Premier ministre Benyamin Netanyahou, grand corrompu, qui ne songe qu’à s’épargner les foudres de la loi. L’antagonisme est aussi ancien que le sionisme lui-même, qui, depuis les années 1920, couvre de son ambiguïté deux courants qui n’ont trouvé à cohabiter que dans un projet colonial commun. Longtemps, les laïques ont cru pouvoir instrumentaliser la religion, invoquant eux aussi la Bible comme source du droit de propriété. C’est la fameuse image de Moshe Dayan, l’athée, posant triomphalement devant le mur des Lamentations en juin 1967.

L’ambiguïté éclate aujourd’hui parce que les partisans d’un Israël théocratique croient le moment venu d’aller au bout de leur rêve funeste, et qu’il leur faut pour cela piétiner non plus seulement les Palestiniens, mais aussi les juifs libéraux. Le projet de réforme qui vise à dépouiller la Cour suprême de ses prérogatives pour donner les pleins pouvoirs à un exécutif aux mains des ultra-orthodoxes n’a pas d’autre sens. L’antagonisme a fini par épouser une officieuse partition géographique : à Tel-Aviv, la grande ville du littoral, la modernité ; à Jérusalem, la continentale, la religiosité. Et voilà que, depuis trois mois, les modernes ont pris conscience du péril. Près de 500 000 manifestants étaient dans les rues des grandes villes fin juillet. Une marche hautement symbolique a parcouru la route de Tel-Aviv à Jérusalem. Et quelque 12 000 réservistes de l’armée se disent prêts à cesser de servir. Mais qui dit que certains d’entre…

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Auteur: Denis Sieffert