« L'arrivée au pouvoir de Le Pen aurait pour conséquence l'écrasement des mouvements de contestation sociale »

Spécialiste de la question scolaire ou des dominations et des inégalités, collaborateur de l’Institut national d’études démographiques (Ined) dans son unité « Migrations internationales et minorités », Ugo Palheta analyse, non sans inquiétude, l’actuelle « dynamique néofasciste » à l’œuvre dans des États reposant pourtant a priori sur des principes démocratiques. Une tendance due aux « effets politiques des contre-réformes néolibérales ».

Le péril fasciste

Avec l’accroissement des inégalités sociales, « la possibilité du fascisme », entre aiguisement des nationalismes et intensification du racisme, est selon lui un risque à appréhender. Il rappelle que les Brésiliens avec Bolsonaro, les Hongrois avec Orban ou les États-uniens avec Trump en ont déjà fait l’amère expérience. La France est-elle le prochain pays sur cette liste ?

Politis : La plupart des commentateurs n’ont cessé de présenter comme « impensables », à la veille des élections dans ces pays, les victoires de Trump, de Bolsonaro ou des ultraconservateurs polonais du PiS. Comment expliquer ce refus d’appréhender ces réalités ?

Ugo Palheta : Je vois plusieurs raisons. L’une des plus importantes, dans le Nord global, c’est que nous imaginons souvent que nos pays en auraient fini avec les formes de barbarie des siècles précédents, alors même que celles-ci ont eu principalement l’Europe pour épicentre. Que ce soit l’esclavage, le colonialisme, le fascisme, les guerres mondiales et bien sûr le génocide des Juifs d’Europe et des Roms commis par les nazis ; cela sans nier les atrocités commises ailleurs par des pouvoirs tyranniques.

Disons que, dans l’imaginaire dominant des pays d’Europe, on réserve la barbarie, la dictature ou les politiques d’épuration ethnique à des pays lointains, d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Asie. Or, ce nationalisme radical de purification qu’est le fascisme est bien né sur le Vieux Continent et n’a pas disparu dans les décombres du bunker d’Hitler en 1945, comme le rappelait souvent l’historien du fascisme Zeev Sternhell.

Après l’éclipse de l’après-guerre, dans une Europe traumatisée par le second conflit mondial, le fascisme a été contraint de muter pour renaître et reprendre sa marche en avant. À partir des années 1970, chaque crise lui a permis de progresser, à des rythmes différents selon les pays. En centrant son activité sur la scène électorale et médiatique, il a adopté la guerre de position comme…

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Auteur: Olivier Doubre (Politis)