En attaquant crânement le puissant domaine de l’art contemporain, un monde perméable aux fausses rébellions et aux vrais consensus mous, Benjamin Olivennes fait tousser quelques mandarins avec son dernier essai. La critique un brin méprisante de Connaissance des Arts en atteste : se faire étriller par une bonne revue est parfois un gage de pertinence, sinon d’importance. Il faut dire que la presse culturelle, amatrice de bons mots, peine parfois à trouver distance et détachement.
Au début des années 2000, Rock & Folk (R&F) s’est abaissé à critiquer Avril Lavigne pour l’un de ses premiers albums, Let Go. Le disque remportant un vif succès auprès des ados et revendiquant un label « rock and roll », R&F s’est senti obligé de le décrire en quelques mots perfides pour, finalement, conseiller à ses lecteurs de jeter le CD par la fenêtre. Motif : c’est du rock « Canada Dry », ça prend des poses rock’n’roll mais ça n’a pas le goût ni la vocation du vrai rock, basta cosi, rigolez un coup et circulez[1].
Ainsi, R&F attaquait un phénomène trop commercial à son goût, au moment même où le magazine continuait à soutenir U2, Placebo et Coldplay qui amorçaient un virage aussi pompier que lucratif. R&F raffolait aussi des jeunes groupes en The qui sentaient fort la pose et l’exercice d’imitation : The Libertines, The Strokes ou The Datsuns, présentés comme les sauveurs du genre musical. Le magazine a donc violemment attaqué Avril Lavigne sur sa postmodernité, un caractère qu’il encensait par ailleurs. R&F aurait été légitime à publier un dossier critique analysant le succès de l’adolescente canadienne dans un contexte d’éclosion du rock postmoderne, ou aurait pu lui réserver silence et mépris, mais il a préféré la goguenardise, ce rire moqueur qui cache une gêne.
Cette pertinence qui met mal à l’aise
Goguenarde est la courte critique de Connaissance des Arts sur L’Autre Art contemporain de Benjamin Olivennes (Grasset, 2021). Une rapide revue de presse nous renseigne sur la polarisation politique du sujet : Olivennes a parlé sur France Culture dans l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut (et aucune autre émission sur le service public), son livre a séduit Marianne, Le Figaro et Le Point sans intéresser Libé ni Le Monde. Il semble donc que le sujet se situe sur une ligne de fracture entre bourgeoisie vieille-école et bourgeoisie-bohème. Comme beaucoup d’autres, Connaissance des Arts aurait pu mépriser le…
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Auteur: Pierre Bonnay