Le bruit détruit plus la santé que la pollution de l'air

Notre société prendrait-elle enfin la mesure des dégâts réels du bruit ambiant ? Lancée le 20 septembre par l’association Ras le scoot, une pétition pour limiter la pollution sonore des deux roues comptait plus de 20 000 signatures le lendemain de sa mise en ligne malgré une totale absence de couverture médiatique. Cet engouement révèle une exaspération ainsi qu’une inquiétude : longtemps vu comme un facteur de nuisance à la qualité de vie, le bruit est désormais une affaire de santé publique.

Un rapport réalisé par le Conseil national du bruit et l’Agence de la transition écologique (Ademe), publié au mois de juillet de cette année, en donne la mesure. Selon ce document, hélas passé presque inaperçu dans la torpeur de l’été, le « coût social du bruit » en France est de 155,7 milliards d’euros annuels. Une somme astronomique, supérieure à ce que coûte la pollution atmosphérique : plus de 100 milliards d’euros, selon un rapport sénatorial de 2015. Supérieure, également, au coût du tabac : 120 milliards d’euros par an.

Ademe/Conseil national du bruit

Le bruit est ainsi responsable de la perte, uniquement en France, de 950 000 années de vie en bonne santé. 25 millions de Français et de Françaises sont exposés à des niveaux sonores nocifs. 68 % des dommages sont induits par le bruit des transports, catégorie où la route se taille la part du lion, avec 75 % des dégâts — le reste provient du ferroviaire et de l’aérien. Autres facteurs de nuisance : les chantiers, le travail et le voisinage.

Comment aboutit-on à ces chiffres ? Il y a environ une décennie, un rapport publié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les dégâts sanitaires du bruit, encore imprécis mais alarmant, avait mis le sujet sur le bureau des épidémiologistes. À l’époque, les données étaient rares, souvent issues d’actions d’habitants proches d’aéroports. Depuis, les études se sont accumulées et ont permis à l’OMS, en 2018, de produire des « lignes directrices ». Elles comportaient une série de courbes dites « dose-réponse » qui déterminent combien de personnes tombent malades dans une population exposée à un certain niveau de bruit, et établissent plus précisément où sont les seuils de danger. Par exemple, l’exposition au bruit de la route devrait être de 53 décibels maximum le jour et 45 décibels la nuit.

« Un lien entre l’exposition au bruit ambiant et les maladies cardiovasculaires »

Car l’épidémiologie est désormais…

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Auteur: Yves Sciama Reporterre