Le capital a-t-il un genre ? Entretien avec Céline Bessière et Sibylle Gollac

Céline Bessière et Sibylle Gollac sont toutes deux sociologues et travaillent sur les dimensions économiques et juridiques de la famille. Leur ouvrage commun, Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités, paru aux éditions La Découverte en 2020, et dont on peut lire un extrait sur notre site, analyse la combinaison des inégalités de genre et de classe en matière de patrimoine et de niveau de vie.

En suivant les différents membres d’une famille, dans des milieux sociaux contrastés, les autrices montrent que ces inégalités ont tendance à s’accroître au fil du temps, avec des épisodes charnières, observés grâce à une enquête auprès des professionnel·les du droit (notaires, avocat·es, juges). Elles nous permettent de saisir comment s’accumulent les disparités entre conjointes de sexe différent pendant la vie commune et surtout après une séparation, mais aussi entre frères et sœurs, l’héritage étant bien souvent moins égalitaire que le droit ne l’affirme.

Contretemps : Pouvez-vous revenir sur votre démarche pour saisir les inégalités économiques au sein des familles ?

Céline Bessière : C’est un travail de très longue haleine qui nous anime depuis presque 20 ans. On se connaît depuis nos thèses et nous avions une envie commune de travailler sur des enjeux patrimoniaux. Dans les années 1990, nous avons suivi les enseignements de sociologie de la famille à Paris V : il paraissait acquis qu’il n’y avait plus d’enjeux de dépendances économiques dans la famille dite « moderne » que François de Singly décrivait, à la suite de Durkheim, comme centrée sur les liens et non plus les biens.

Pourtant, dès nos premières enquêtes inspirées par Florence Weber et Viviana Zelizer, il…

Auteur : redaction
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