« Voilà le projet humain : créer la justice » Edward Bond [1]
Il n’y a pas de judéité en moi. Ni éducation ni culture traditionnelle ni religion ne m’ont été transmises. Ce qui a été transmis, de générations en générations, de façon irréfragable, c’est la dépression. Profonde, abyssale. Sans doute, ce qu’il y a de plus juif en moi est cet inconscient, trusté par la névrose caractérisée de ma mère, dont la mère, la tante, la grand-mère et le grand-père ont été cachés en Ardèche, vivant à une seconde près de l’arrestation et la déportation. Ce qui a été transmis ce sont ces arbres généalogiques, avec leurs mots rédigés sous des vieilles photos : mort à Auschwitz, convoi n°… ; mort en Lettonie, (lieu ?) Shoah par balles. Et puis la généalogie qui s’est perdue, celle de l’extermination des juifs de Pologne ou de Crimée.
Alors je ne sais pas pourquoi de mon cerveau accablé de dégoût, épouvanté par l’infamie, jaillit, chaque fois, ce cri, la honte chevillée à ma révolte : « Ils ne sont pas juifs ! » ? « Ces barbares ne peuvent pas être juifs ». Pourquoi cette fièvre viscérale qui me traverse, chaque fois ?
Dans mon souvenir, seule ma grand-tante me disait « tu sais on est juifs », en chuchotant, même chez elle, et en me disant qu’il ne fallait pas le dire trop fort. Pourtant, un jour elle l’avait dit en interview, à un journaliste qui faisait son portrait à Cannes. Elle y était allée pour tenter sa chance de faire à nouveau son métier de comédienne, abandonné presque 20 ans plus tôt. Elle avait dit au journaliste : « J’ai échappé aux fours crématoires, les Allemands se sont arrêtés juste à la maison à côté de chez nous. Le reste, ce n’est que la joie de vivre. » Sauf que non, ce n’est pas si simple. Et ce n’est pas de joie dont j’ai hérité.
Quand elle était allée voir un rabbin pour demander que son amour, son mari, un…
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Auteur: Noëlle Cazenave-Liberman