Le chauffeur de bus et le dîner de cons

Le chauffeur de bus refuse d’abandonner une enfant à 600 mètres de chez elle, au bord d’une route sans bas-côté et proie facile pour un automobiliste détraqué en maraude. Son patron le licencie.

Supposons : un autre chauffeur de bus abandonne une enfant à 600 mètres de chez elle, au bord de cette route. Elle est fauchée par une voiture ou enlevée, etc.

Alors, tous les braves gens, les Bidochon qui dans les villages pullulent, ceux-là même qui ne levèrent pas un sourcil en faveur du premier chauffeur, tous, même les unijambistes et les boiteux, les cancéreux en phase terminale, les jeunes mamans poussant leur landau, les vieux appuyés sur leur déambulateur, tous seront à la marche blanche, émus, révoltés, braves gens derrière le maire ceint de son écharpe.

Tous, y compris ceux qu’indiffèrent les 32 gilets jaunes éborgnés, les chutes d’ouvriers des échafaudages, l’hécatombe de constructeurs de stades au Qatar, la présence au gouvernement de ministres voleurs et violeurs, tous, qui de cela ne parlent pas, seront là. Ils livreront fièrement aux médias la substantifique moelle de leur géniale analyse sociologique : « Une enfant si gentille, qui ne se faisait pas remarquer, et rieuse. L’agresseur ? Un voisin sans histoire, poli, on n’aurait pas pu imaginer… ».

Tous marchent en silence, l’air grave, la tête baissée. Ils ne savent pas que les médias cyniques qui savent bloquer la réflexion et faire monter l’émotion les ont conviés à un dîner de cons.

Théophraste R. Partisan des marches rouges.

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Auteur: Le grand soir