Il y a dans La Chambre d’à côté un personnage qui a priori n’a rien à faire dans l’univers de Pedro Almodovar. Déjà présent dans le beau roman de Sigrid Nunez – Quel est donc ton tourment ? –, il se prénomme Damian, est joué par John Turturro et s’habille – c’est un signe – de couleurs tristes. Non que ce soit un personnage entièrement négatif. D’une part parce qu’il n’est pas sûr que le négatif ait sa place dans un cinéma qui est la générosité même et dont la bonté est, avec le temps, devenue une caractéristique majeure. D’autre part parce que Damian, intellectuel obsédé par le changement climatique et ses effets dévastateurs, assène un discours dont Almodovar ne méconnaît évidemment pas la pertinence. Il n’empêche que cet homme gris qui n’a plus goût à rien – sinon, peut-être, au sexe – porte avec lui une idée qui, de toutes, pourrait être la plus étrangère à l’art almodovarien : l’idée qu’il existe une fin réellement finale ; l’idée qu’il pourrait y avoir un point au-delà duquel nul n’ira, ni l’individu ni l’humanité ; l’idée que les choses vont toucher à leur terme et qu’à cela, il va falloir se résigner.
Le sujet du premier long métrage en langue anglaise du cinéaste espagnol est bien la mort : une reporter de guerre, atteinte d’un cancer en phase terminale, demande à une amie de longue date, écrivaine, d’être à ses côtés lorsqu’elle avalera la pilule qu’elle s’est procurée sur le dark web. Pour cela, les deux femmes – dont Damian, jadis, fut l’amant – louent une grande et belle maison dans les bois, à quelques heures de voiture de New York. La première s’appelle Martha et est interprétée par Tilda Swinton. La seconde, Ingrid, est interprétée par Julianne Moore. L’euthanasie n’est pourtant que le sujet apparent – le sujet d’actualité, si l’on ose dire – de La Chambre d’à côté. Quel en est alors le sujet…
Auteur: Le Média