Quoi de pire qu’un critique tremblant à l’idée de se faire avoir ? Un film doit par principe être tenu pour sincère. Il s’agit d’entrer dans l’intelligence d’une vision, pas de déjouer un piège. Un critique apporte avec lui son savoir et son expérience, son amour du cinéma. Il apporte surtout sa passivité. Être cueilli, il ne demande rien de mieux. On s’asseoit, on se détend et on laisse venir. On aura tout le temps de réfléchir après.
Les circonstances ne rendent cependant pas toujours possible cet abandon. Un film arrive parfois entouré d’un excès d’avertissements. Imaginez-en un qui n’aurait même pas attendu sa sortie en salle pour recevoir l’estampille de « chef d’œuvre ». Un film en lequel certains n’hésiteraient pas à voir le salut du cinéma, qui durerait la bagatelle de 3h35 et comporterait un entracte de 15 minutes avec compte-à-rebours affiché à l’écran. Qui traiterait de choses aussi frivoles que la Shoah et le capitalisme, l’avant-garde et la xénophobie, la prédation et la création. Un film que tout le monde disait impossible à réaliser et qui non seulement a fini par l’être mais avec assez de réussite encore pour figurer aujourd’hui parmi les favoris de la course aux Oscars.
Ce film existe. Il a pour titre The Brutalist et il est en salle depuis le 12 février. Son auteur est américain, il s’appelle Brady Corbett, fut d’abord acteur et n’a que 36 ans. The Brutalist est son troisième long métrage, le premier distribué en France. Impossible d’aller à la rencontre d’un tel monstre sans un mélange d’excitation et, quand même, de réticence. Réticence que le critique s’avoue mal, dont il se méfie et que pour cette raison il aimerait d’autant plus vaincre. Mais réticence dont ce critique doit reconnaître qu’elle est allée en augmentant tout au long de la projection. Pourquoi ? Tentative d’explication.
The Brutalist ressemble à un bout-à-bout…
Auteur: Le Média