Rennes (Ille-et-Vilaine), reportage
« Il faut qu’on arrête de faire du business avec la vie des gens », lâche Alex, dégoûté, en tirant sur sa vapoteuse. À 34 ans, il sait de quoi il parle. Cheveux noués en catogan, boucle d’oreille à gauche et sweat à capuche, Alex Jolly a tout d’un jeune trentenaire comme les autres… Sauf qu’il est fauteuil roulant depuis son enfance.
Il souffre de tétraparésie, un handicap moteur d’origine neurologique qui paralyse ses quatre membres. Sa pathologie a été reconnue en avril 2024 par le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) comme la conséquence d’une exposition à de fortes doses de pesticides in utero.
« On nous disait qu’il n’y avait pas de risque »
Lorsqu’elle était enceinte de lui, sa mère, Katia Jolly, était conditionneuse dans une usine d’empaquetage d’engrais, de produits phytosanitaires et de détergents dans le Loir-et-Cher. « Il y avait écrit noir sur blanc “produit dangereux pour le fœtus” sur les étiquettes, avec des têtes de mort grosses comme ça, rapporte l’ancienne ouvrière. Mais on nous disait qu’il n’y avait pas de risque, qu’il fallait continuer le travail. »
Tous les jours, elle versait des litres de ces produits chimiques dans des flacons et répartissait des pesticides en poudre dans des sacs. « On n’avait que des masques chirurgicaux et des gants pour faire la vaisselle qui devaient durer une semaine. Aucune combinaison intégrale. Parfois, je rentrais avec les vêtements recouverts de poudre de pesticides, alors je les laissais dehors pour ne pas salir. » En 1991, deux femmes enceintes travaillaient dans cette entreprise. L’une d’elles, Katia Jolly, a accouché d’un enfant handicapé moteur. L’autre enfant est né avec une grave déficience cognitive.
Après l’affaire de la petite Emmy Marivain, cette fille de fleuriste morte à cause des pesticides qu’avait manipulés sa mère…
Auteur: Scandola Graziani