Le courrier est bien arrivé

L’homme qui, aux National Archives de Londres, découvre lentement, une par une, les 102 lettres et leur contenu, n’en est pas le destinataire. Il procède sans hâte, car elles ont été écrites au milieu du XVIIIe siècle, et personne ne les a lues depuis. Personne ne les a même ouvertes. Elles ont été confiées aux services postaux français par des épouses, des pères, des mères, des frères et des sœurs, des fiancées, ce qu’on appelle l’entourage, et ne sont jamais arrivées à bon port. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Le destinataire de chaque lettre est un marin, on sait bien qu’il bouge ! Pour les transporteurs, la tâche est ardue, il faut atteindre une cible mouvante. Sachant cela, certains écrivaient leur missive plusieurs fois, pour les envoyer par plusieurs canaux et multiplier ainsi les chances de succès. Mais ça n’a pas toujours suffi. Les postiers n’ont pourtant pas ménagé leurs efforts, faisant suivre les courriers vers un port puis vers un autre, manquant souvent le bateau de peu.

Si le premier lecteur de ces lettres sans écho, Renaud Morieux, était un archéologue, on dirait qu’il en est l’inventeur ! Mais c’est un historien, chercheur à l’Université de Cambridge. Ces lettres aux caractéristiques particulières, sans ponctuation, sans capitales, où on ne saurait gâcher un millimètre de papier, prouvent qu’on n’a pas besoin d’être chez la marquise du Deffand pour participer de la culture de l’écrit.

Ému, Renaud Morieux raconte : « Trouver dans une boîte d’archives des lettres non ouvertes est très rare. Ça ne m’était jamais arrivé. C’est très inhabituel pour un historien d’être le premier à lire un document quel qu’il soit, parce que les archivistes, qui sont nos amis et nos alliés, sont passés avant nous. Mais en l’occurrence je suis le premier à lire ces lettres. Pas à les trouver, puisqu’elles ont été déposées dans une…

La suite est à lire sur: www.la-croix.com
Auteur: Geneviève Jurgensen